PL91 : des amendements demandés en urgence pour protéger les femmes violentées et leurs enfants

Fédération des maisons d'hébergement pour femmes - communiqué de presse

Montréal, le 6 avril 2025 — Quatre organisations œuvrant auprès des femmes violentées et des familles unissent leur voix pour demander une volte-face sur un aspect du projet de loi 91 – Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille, qui s’apprête à être adopté. 

 

S’il peut sembler prometteur sur papier, ce projet de loi met en danger les femmes et les enfants victimes de violences. Les groupes réclament des amendements pour instaurer des garde-fous essentiels à leur protection :

  • Le retrait du caractère obligatoire de la médiation familiale
  • Un dépistage systématique de la violence conjugale par des médiateur.ices formé.es

 

Malgré les précautions prises par le ministre de la Justice, Monsieur Jolin-Barrette, l’exemption prévue pour les victimes de violence conjugale ne permettra pas de leur garantir un parcours judiciaire sécuritaire, et ne sera pas suffisante pour les tenir éloignées d’un processus dangereux pour elles. 

 

La médiation ne peut pas être obligatoire

Il est largement admis que la médiation doit être volontaire et nécessite une capacité des deux parties de faire valoir leurs droits et leurs besoins. Or les femmes qui ont subi la violence sont déjà en déficit de pouvoir au moment où elles s’engagent dans les procédures en droit de la famille. Il est reconnu depuis longtemps que la médiation est synonyme de danger dans un tel contexte. La rendre obligatoire, même avec une exemption, aura pour effet de pousser des victimes de violence vers la médiation pour diverses raisons : peur des représailles de leur ex-conjoint, manque de moyens financiers, impossibilité d’avoir accès à un.e avocat.e, volonté d’en finir rapidement avec les pressions de l’ex-conjoint, incitation par les professionnel.le.s, etc. Par ailleurs, demander l’exemption (donc dévoiler la violence) les expose à des risques pour leur sécurité au moment où l’ex-conjoint comprendra qu’elles ont invoqué ce motif.

 

Des conséquences dramatiques

En médiation, certaines femmes victimes de violence conjugale en viennent à renoncer à plusieurs de leurs droits en « échange » d’obtenir la garde exclusive de leurs enfants, dans le but de les protéger. D’autres subissent l’intimidation de leur ex-conjoint durant le processus de médiation, sans que le médiateur ne décèle la dynamique de violence. Certaines femmes ont été manipulées durant des années par leur conjoint, et le croiront s’il leur dit qu’elles n’ont aucun droit, que personne ne les croira, et que la médiation est la seule option possible.

 

Un dépistage systématique de la violence et du contrôle est essentiel

Trop de femmes violentées ne se reconnaissent pas comme telles ou n’osent pas en parler dans les premières étapes d’un processus judiciaire. C’est pourquoi il est crucial qu’un dépistage du contrôle coercitif soit systématique et réalisé par des acteurs formés, dès l’entrée dans le système de justice familiale. Ce dépistage doit obligatoirement s’accompagner d’une référence vers des ressources spécialisées, comme les maisons d’aide et d’hébergement. C’est le seul moyen de briser l’isolement, de mettre en sécurité les femmes et leurs enfants, et de les accompagner dans des décisions éclairées.

 

Une réforme de la justice familiale ne peut pas se faire sur le dos des femmes

Nous saluons la volonté du gouvernement d’améliorer le système judiciaire, mais son premier impératif doit être la recherche d’équité et de sécurité pour les femmes et pour leurs enfants. Une réforme qui prétend vouloir aider les familles ne peut pas ignorer les réalités des victimes.

 

Citations

 

« Rendre la médiation obligatoire, c’est nier la réalité des femmes qui fuient un ex-partenaire violent. Ce n’est pas seulement inadapté, c’est dangereux », affirme Manon Monastesse, directrice générale de Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

 

« Le ministre Jolin-Barrette a fait preuve de courage dans les dernières années pour mener un changement de culture dans le système judiciaire ; or les mesures positives permettant de mieux accompagner et protéger les victimes pourraient s’avérer inopérantes si ces mêmes victimes se retrouvent seules en médiation, sans personne pour assurer la défense de leurs droits. » déclare Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. 

 

« Bien que nous soyons relativement satisfaites de la création d’un Tribunal unifié de la famille, nous appuyons sans réserve nos alliées qui travaillent auprès des femmes victimes de violence conjugale pour réclamer que la médiation familiale ne soit pas obligatoire. » soutient Marie-Pier Riendeau, directrice générale par intérim de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

 

« Il y a des histoires de concessions financières et de violence conjugale postséparation qui perdurent derrière le taux de réussite mis de l’avant pour justifier la mise en place de l’obligation de la médiation. Le gouvernement s’est engagé à protéger les femmes et les enfants victimes de violence conjugale et il doit le faire aussi à travers la mise en place du Tribunal unifié de la famille. » déclare Sabrina Lemeltier, administratrice de l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale postséparation.

 

Bill 91: Urgent Amendments Needed to Protect Abused Women and Their Children

 

Montreal, April 6, 2025 — Four organizations supporting abused women and families are joining forces to call for a reversal of a key provision in Bill 91 – An Act to establish the Unified Family Court, which is set to be adopted.

 

Though this bill may seem promising on paper, it puts women and children who are victims of violence in serious danger. The groups are calling for amendments to establish essential safeguards:

  • The removal of mandatory family mediation
  • Systematic screening for domestic violence by trained mediators

Despite the precautions put forward by Justice Minister Simon Jolin-Barrette, the exemption provided for victims of domestic violence will not guarantee them a safe legal process, nor will it be sufficient to protect them from entering a system that could put them at greater risk.

 

Mediation must not be mandatory

It is widely recognized that mediation must remain voluntary and requires both parties to be able to assert their rights and needs equally. However, women who have experienced violence often enter family court proceedings at a serious power disadvantage. It has long been known that mediation can be dangerous in this context. Making it mandatory — even with an exemption — will push many victims into mediation for a variety of reasons: fear of retaliation from their ex-partner, lack of financial means, no access to legal counsel, pressure to resolve matters quickly, or encouragement by professionals.

 

Moreover, requesting an exemption (which requires disclosing the violence) can put women at greater risk, especially when the abusive ex-partner realizes they have cited violence to avoid mediation.

 

Tragic consequences

In mediation, some women give up critical rights in “exchange” for sole custody of their children, hoping to protect them. Others are intimidated by their ex-partners throughout the process, without the mediator detecting the ongoing abuse. Some women have been manipulated for years and believe their abuser when he says they have no rights, that no one will believe them, and that mediation is their only option.

 

Systematic screening for coercive control is essential

Too many abused women do not recognize themselves as victims, or are afraid to speak out early in legal proceedings. That’s why systematic screening for coercive control must be conducted by trained professionals as soon as women enter the family justice system. This screening must be accompanied by referrals to specialized resources, such as women’s shelters and support centers. This is the only way to break isolation, ensure women’s safety and that of their children, and support informed decision-making.

 

Justice reform cannot be carried out on the backs of women

We recognize the government’s intent to improve the judicial system. But the first priority must be safety and fairness for women and children. A reform that claims to help families cannot ignore the realities faced by victims of domestic violence.

 

Quotes

“Making mediation mandatory is denying the reality of women who are fleeing a violent ex-partner. It’s not just inadequate — it’s dangerous,” says Manon Monastesse, Executive Director of the Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

 

“Minister Jolin-Barrette has shown courage in recent years by pushing for cultural change in the justice system. But the positive measures meant to better support and protect victims may become meaningless if those same victims are left alone in mediation, with no one to defend their rights,” says Louise Riendeau, Co-Lead for Political Affairs at the Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

 

“While we are generally satisfied with the creation of a Unified Family Court, we fully support our allies who work with abused women in demanding that family mediation not be mandatory,” states Marie-Pier Riendeau, Interim Executive Director of the Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

 

“Behind the so-called success rates used to justify mandatory mediation, there are untold stories of financial coercion and ongoing post-separation abuse. The government has made a commitment to protect women and children from domestic violence — that commitment must extend to the implementation of the Unified Family Court,” says Sabrina Lemeltier, Board Member of the Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.

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CONTACT MÉDIA : Elisabeth Viens Brouillard | eviens-brouillard@fmhf.ca

 

À PROPOS DE LA FMHF :

La FMHF représente 37 maisons d’hébergement de première étape au Québec qui hébergent chaque année près de 2500 femmes et leurs 1500 enfants, victimes de violences conjugale et familiale, de traite, de violences justifiées sur «l’honneur», d’agressions et d’exploitation sexuelles, etc. La FMHF représente également 19 maisons de deuxième étape, qui accueillent les femmes et leurs enfants pour de l’hébergement à plus long terme assurant ainsi leur sécurité physique et psychologique afin de favoriser leur reprise de pouvoir sur leur vie.