Projet de loi sur le lobbyisme: des OBNL se disent menacés

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S’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi 56 sur la transparence en matière de lobbyisme risque d’entraîner « la mort du modèle québécois d’organisation communautaire », a prévenu hier Mercédez Roberge, porte-parole de 41 regroupements provinciaux d’organismes communautaires.

Le projet de loi prévoit assujettir tous les organismes à but non lucratif (OBNL) aux règles imposées aux entreprises privées. Ainsi, pour communiquer avec un élu ou un fonctionnaire, le moindre bénévole aurait à s’inscrire au Registre des lobbyistes et fournir des informations détaillées sur ses démarches. À défaut de quoi il s’exposerait à des amendes maximales de 150 000 $.

« Essayez, après ça, de trouver des gens pour siéger à votre C.A., des personnes qui ont vécu des problèmes de violence ou de toxicomanie pour signer des lettres destinées à sensibiliser des fonctionnaires… vous n’en trouverez plus ! », s’est inquiétée Mme Roberge, à l’occasion d’une rencontre organisée par l’Institut du Nouveau Monde.

Le gouvernement doit faire la différence entre les OBNL et les entreprises qui cherchent à obtenir un bénéfice commercial ou financier, a-t-elle poursuivi. « La transparence est inhérente à nos pratiques », ce qui n’est pas nécessairement le cas des entreprises. « Le projet de loi dénaturerait l’objectif de rendre transparent ce qui pourrait autrement être caché. »

Le commissaire au lobbyisme mène des consultations ces jours-ci afin de mieux cerner l’impact de l’assujettissement des OBNL à la loi. Il remettra son rapport à l’Assemblée nationale en avril. « Jusqu’ici, le commissaire n’avait pas compris les conséquences, a dit Mme Roberge. On lui a expliqué, et il ne peut plus en faire abstraction. Si on meurt, ce sera la faute du Registre, ce sera la faute du commissaire. »

L’objectif de la loi

« Réduire la capacité d’agir des OBNL serait-il l’objectif du gouvernement ? », demandent, dans un récent document d’information, les groupes opposés au projet de loi.

Le juriste Gilles Ouimet n’y croit pas. Il a rappelé aux dizaines de représentants d’OBNL réunis hier à Montréal que, dès le départ, l’objectif de la réforme avait plutôt été d’en arriver à une plus grande transparence.

« Il est important qu’il y ait transparence lorsqu’il est question de l’influence exercée sur les décideurs publics, quelles que soient les motivations des organismes qui font ces représentations », a souligné Me Ouimet, lui-même ancien député libéral.

Le public, a-t-il précisé, a le droit de savoir qui cherche à influencer le gouvernement et dans quel but – et ce, même quand il n’y a pas d’intérêt pécuniaire en jeu. Par exemple, les Québécois ont le droit de savoir qu’un OBNL religieux cherche à influencer un ministre au sujet de l’aide médicale à mourir, un enjeu qui fait l’objet d’un débat de société.

« Assujettir tous les OBNL, ce n’est pas la solution, a toutefois rétorqué Mme Roberge. Le prix est trop cher payé. Ça n’a pas de sens que, pour atteindre une Église, on fasse mourir le club de patin, le club de lecture et la soupe populaire. »

Article paru dans La Presse 

Crédits photo: SARAH MONGEAU-BIRKETT