Dans le cadre des dérives d’un certain féminisme, une nouvelle a particulièrement retenu mon attention. À la suite d’une intervention de la Ville de Laval pour limiter le développement de l’industrie du sexe sur son territoire (salons de massage érotique et sex-shop), voilà que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) s’oppose au nouveau zonage en invoquant le droit à l’« autodétermination » des femmes. Pas un mot sur les proxénètes ni sur ce business propice à l’exploitation sexuelle, qui maintiennent des femmes dans un état de domination et de dépendance.
Comment ne pas voir, au-delà des discours sur le choix des « travailleuses du sexe », la misère d’un grand nombre de femmes qui n’ont pas le choix ?
Le choix des femmes est également l’argument invoqué par la FFQ pour justifier son opposition à la loi visant à interdire le voile intégral (niqab et burqa) dans la fonction publique. Ce faisant, elle banalise une pratique discriminatoire qui porte atteinte à la dignité des femmes. Cette position est d’autant plus choquante dans le contexte actuel où des dizaines de femmes résistent au régime iranien et se font emprisonner pour le simple fait de retirer leur voile.
Une réalité alarmante
Il ne peut y avoir de véritable choix sans une véritable égalité, ce qui est loin d’être le cas pour bien des femmes dans le monde, et ici même au Québec. C’est ce qui ressort, notamment, du mémoire de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) dans le cadre du forum « Valorisation de la diversité et lutte contre la discrimination » du ministère de l’Immigration.
Le mémoire dresse un portrait alarmant des femmes immigrantes, qui sont de plus en plus nombreuses dans les maisons d’hébergement. Elles représentent environ 40 % des femmes hébergées à Montréal.
On y décrit des situations de femmes aux prises avec des problèmes de violence de la part du conjoint, de la famille ou de la communauté. Des femmes parrainées sont dépendantes d’un conjoint qui profite de leur statut d’immigration précaire pour les contrôler. Certains de ces conjoints se révèlent être des proxénètes. Plus largement, des trafiquants utilisent les politiques d’immigration afin d’exploiter les travailleuses et les empêcher de chercher de l’aide.
Le mémoire souligne que des jeunes filles issues de communautés ethnoculturelles sont victimes de violence liée à l’honneur et subissent des pressions en vue d’un mariage forcé. Les conséquences sont bien souvent la violence, l’isolement, la déscolarisation, et parfois même le crime d’honneur.
Et parmi les moyens utilisés pour restreindre le champ de liberté des femmes et contrôler leur sexualité, il est certain que le voile figure en bonne position.
Il est fort à craindre que celles qui le brandissent comme un choix et participent à le promouvoir, notamment à travers « La journée du hijab », contribuent à renforcer un climat de domination masculine qui étouffe bien des femmes moins privilégiées.
Le véritable choix de société, c’est de protéger les femmes les plus vulnérables. Il est à noter que la FMHF fait état d’un manque criant de moyens. En particulier, plus de 10 000 demandes d’hébergement sont refusées chaque année faute de disponibilité.
La possibilité de faire des choix est une victoire des féministes. Cependant, tous les choix que font les femmes ne sont pas forcément féministes.
De tout temps, elles ont été nombreuses à freiner la marche vers l’égalité. Au Québec, les suffragettes ont fait face à une large proportion de femmes s’opposant au droit de vote des femmes. À travers le monde, les exemples ne manquent pas de femmes défendant la polygamie, la primauté masculine en matière de droits ou les mutilations génitales. En Tunisie, alors que des femmes luttent actuellement pour obtenir l’égalité dans l’héritage, de nombreuses autres s’y opposent fermement. Au Canada, selon une étude de l’hôpital St. Michael’s de Toronto, des Indo-Ontariennes pratiqueraient des avortements sélectifs favorisant la naissance de garçons. De toute évidence, leur choix ne peut être considéré comme un choix féministe.
L’autonomie des femmes
On ne peut, au nom des droits individuels, promouvoir des pratiques sexistes qui ne font que fragiliser les femmes et constituent une barrière à leur autonomie. C’est en termes de droit collectif à l’égalité que le gouvernement a le devoir d’agir.
Dans ce cadre, le Conseil du statut de la femme (CSF) s’est toujours positionné pour des politiques audacieuses de lutte contre les entraves à l’autonomie des femmes (prostitution, polygamie, crimes d’honneur, stéréotypes sexuels). Espérons que le CSF continuera à être un levier pour l’émancipation des femmes.
Et maintenant ? J’en appelle à la responsabilité de toutes les féministes à faire preuve de clairvoyance et à ne pas se laisser aveugler, sous prétexte de libre choix, par l’arbre qui cache la forêt.
Sources : La Presse +