Islamophobie en France : une violence sans précédent, des réponses insuffisantes !

Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) retient, pour qualifier précisément cette intolérance particulière, la définition suivante : «il s’agit de l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l’islam», expliquent les auteurs du nouveau rapport annuel – le dixième, depuis 2004 – de cette association fondée en 2003. Qui précisent ensuite que :«Ces actes sont également légitimés par des idéologies et des discours incitant à l’hostilité et au rejet des musulmans.»

L’un des effets (2) de cette légitimation est que ces actes sont en augmentation constante. Pour l’année 2013 : le CCIF en a enregistré 691, contre 469 en 2012. La plupart – 640, dont 158«agressions physiques et verbales» (3) – ont été perpétrés contre des individus. Les autres visaient des institutions. Cela fait une hausse, en un an, de 47,33%, qui vient s’ajouter à celles, tout aussi considérables, des années précédentes, et dont les principales victimes sont toujours – et de très loin – les musulmanes : «Les femmes portant un foulard demeurent la première cible des agresseurs islamophobes.» Au surplus, constatent les auteurs du rapport : «La nature de ces actes évolue.» Plus précisément : les agressions physiques sont de plus en «plus fréquentes», et «d’une violence sans précédent», dont témoignent, dans certains cas, «la préméditation et l’utilisation d’armes».

Or, «les réponses pénales et médiatiques» à ces exactions restent très «insuffisantes». Les «moyens mis en œuvre» par les pouvoirs publics sont très en deçà de ce qu’ils devraient être,«compte tenu de la gravité de la situation» (4). L’État, explique le CCIF, «peine» là «à se remettre en question» (5), cependant que les médias (6), se dédient, plutôt qu’à la mise en lumière de ses accablants effets concrets, à l’entretien, dans l’époque, d’une anxiété islamophobe.

« Déshumanisation des victimes »

En somme, tout concourt à une «déshumanisation des victimes», qui parfois même sont «mises en cause plutôt que soutenues»  par ceux-là mêmes qui devraient avoir le constant souci de les protéger. Et cela est d’autant plus regrettable que les données du CCIF, pour – très – alarmantes qu’elles soient, sont encore loin de refléter l’ampleur véritable de la réalité qu’elles dénoncent. Car en effet : «seule une faible proportion des victimes» d’actes antimusulmans «déclarent les préjudices dont elles sont la cible, tant auprès des pouvoirs publics que des organisations spécialisées». En d’autres termes : la plupart de ces agressions, parce qu’elles ne font l’objet d’aucune plainte, ne sont jamais comptabilisées.

Pour mieux mesurer ce «décalage», le CCIF a mené pendant un an, auprès de 1417 musulmans, une passionnante enquête dont l’objectif était de «mieux comprendre» leur perception du  «fait islamophobe», et «les réponses qui lui sont apportées».

Et son résultat est tristement édifiant, puisque 68 % des personnes interrogées ont expliqué avoir déjà été victimes d’une agression antimusulmane : remarques et propos hostiles (62%), insultes caractérisées (22%), menaces (5%), discriminations (31%), violences physiques (2%) – dont les principales victimes sont des femmes. De sorte qu’il est finalement permis d’estimer qu’à l’échelle du pays, «un(e) musulman(e) sur trois a potentiellement été victime d’un acte d’islamophobie».

Pour 75% des personnes interrogées, rapporte ensuite le CCIF : l’islamophobie se nourrit d’abord du «traitement médiatique de l’islam et des musulmans» – car «de trop nombreux médias ont offert des espaces d’expression à la parole islamophobe, en normalisant ces idées». De même, «le discours politique est identifié» (7) comme «une cause majeure» d’une «islamophobie»portée indistinctement «par des personnalités politiques de droite ou de gauche» : c’est probablement ce qui explique pourquoi de nombreuses victimes, parce qu’elles n’ont aucune «confiance dans la capacité des institutions à apporter une réponse satisfaisante à ces formes de préjudices», ne signalent pas ces agressions (8), qui ne sont donc pas prises en compte dans les statistiques qui mesurent la gravité du phénomène.

Pour conclure son rapport annuel : le CCIF formule plusieurs«recommandations». Il conviendrait, par exemple, préconise-t-il, que «la dénonciation de l’islamophobie» fasse enfin «l’objet d’une déclaration et d’une reconnaissance solennelles, sans ambiguïtés, afin de donner un signal fort». Que «les partis politiques» organisent, «en interne, un examen critique sur les questions d’islamophobie, afin de réellement se donner les moyens de déconstruire l’idéologie raciste qui progresse en France». Ou encore, que les médias organisent «des formations afin d’être mieux préparés au traitement des cas d’islamophobie»- et, «plus généralement, de l’islam et des musulmans».

Chiche ?

par Sébastien Fontenelle,sur Bakchich Info, Lire l’article sur le site de Bakchich info

Note de bas de page : 

(1) Cette observation est corroborée, notamment, par les enquêtes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

(2) Constaté aussi par la CNCDH.

(3) Et 482 cas de discrimination.

(4) Peut-être parce que «plus de 56 % des discriminations » visant des musulmans ont été constatées « dans des services publics» ?

(5) «Du côté du ministère de la Justice», par exemple, «le silence est assourdissant sur la question » précise « de l‘islamophobie, alors même que Madame Taubira réaffirme régulièrement son engagement contre le racisme et pour le respect des droits fondamentaux».

(6) Où la thématique générale de «l’insécurité» est pourtant regardée, dans la plupart des cas où ses victimes ne sont pas musulmanes, comme essentielle.

(7) Par 50% des personnes interrogées. « L’ignorance et la méconnaissance de l’autre » (à 49%) et le «comportement de certains musulmans» (à 41%) sont également  regardées comme des rouages importants de la «production de l’islamophobie».

(8) Par ailleurs : ces victimes souffrent d’un classique «déficit d’information quant aux institutions et ONG » susceptibles de leur venir en aide.