Comment la maison connectée peut aggraver les violences domestiques

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Alors que la technologie se fait de plus en plus présente dans notre vie, elle peut aussi se retourner contre ses propriétaires. Dans une longue enquête publiée samedi, le New York Times expose un nouveau problème constaté en Californie, maison de la Silicon Valley: l’utilisation d’objets connectés dans la maison pour espionner ou harceler les victimes de violences conjugales. Ce phénomène, récent et encore rare, pourrait se développer, alors que se généralisent les «smart homes», les maisons équipées d’objets reliés à Internet.

L’enquête est le fruit d’une trentaine d’interviews avec des victimes (en majorité des femmes), des avocats et des spécialistes des violences conjugales. Elle donne des exemples concrets, parfois surréalistes, de ce genre d’abus, de la part d’anciens partenaires ou de compagnons actuels. Une femme raconte, par exemple, comment son climatiseur n’arrêtait pas de s’allumer et de s’éteindre, sans qu’elle ne le touche. Une autre entendait sa sonnette se déclencher à toute heure. Personne n’était à la porte. D’autres sont surveillées, sans le savoir, par leurs propres caméras de sécurité.

Incompréhension des autorités

Beaucoup de victimes se sentent démunies face à ces attaques hors-norme. Elles ne comprennent pas forcément tout de suite l’origine du problème. Ensuite, le fonctionnement même de ces objets connectés les empêche souvent d’agir. Ces objets connectés (thermostats, caméras de surveillance, sonnettes, enceintes intelligentes, etc.) se contrôlent généralement via une application mobile. Ce qui signifie que, souvent, une personne peut le déclencher et le contrôler à distance, même en ayant quitté le domicile. Et si la victime n’a pas elle-même installé l’application sur son smartphone, et ne dispose pas du mot de passe du compte associé, elle ne peut pas contrôler l’objet en question. «Mon mari contrôle le thermostat, les lumières, passe de la musique. Les relations abusives reposent sur le pouvoir et le contrôle. Mon mari, lui, utilise la technologie», explique une victime. La désinstallation de ces appareils par les victimes, par exemple en le débranchant ou en le détruisant, ne règle d’ailleurs pas forcément le conflit: elle peut au contraire augmenter les violences, en provoquant la colère de l’agresseur.

Ce manque de connaissance concerne aussi les autorités, les avocats ou des associations, qui peinent à les aider face à ces nouvelles thématiques. Certaines organisations de lutte contre les violences conjugales se forment désormais à ces nouveaux sujets. C’est le cas du National Network to End Domestic Violence, une association américaine, qui témoigne dans l’enquête du New York Times. Le but est de former les spécialistes, mais aussi de pouvoir se défendre en justice, par exemple en réclamant qu’un agresseur n’ait plus accès aux objets connectés d’une maison qu’il quitte après d’autres types de violences physiques et morales.

La maison connectée est un secteur des nouvelles technologies en pleine expansion. D’après le cabinet IDC, plus de 549 millions de ces appareils seront vendus en 2018, en progression de 26% par rapport à l’année dernière. Les enceintes intelligentes et les télévisions connectées représentent pour le moment 71% du marché. Mais alors que nous faisons entrer les nouvelles technologies dans nos maisons, des nouveaux enjeux, et des nouveaux risques, se posent. C’est déjà le cas de la sécurité de nos données en ligne, ou de la surveillance de notre quotidien par de grandes entreprises. Et, désormais, de nouvelles formes de violences au sein du couple.

Sources : Le Figaro 

photo : Ethan Miller