Arrêt Jordan: Thanabalasingham expulsé au Sri Lanka

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Le 6 avril dernier, l’homme de 31 ans avait évité d’être jugé pour le meurtre présumé de son épouse, Anuja Baskaran, en raison des délais déraisonnables depuis son arrestation. Après avoir passé près de cinq ans derrière les barreaux, il avait donc obtenu un arrêt des procédures.

 La Couronne a porté en appel la décision et, dans une requête déposée à la Cour, demandait que le processus soit accéléré pour s’assurer que M. Thanabalasingham soit encore au pays au moment de l’audience.

 En juillet 2016, dans l’arrêt Jordan, la Cour suprême a fixé la durée maximale d’un procès à 18 mois à la Cour du Québec et dans les autres tribunaux de la province, et à 30 mois à la Cour supérieure, sauf exception.

 M. Thanabalasingham a été expulsé du pays, car il n’était pas citoyen canadien avant le drame et avait cumulé trois accusations dans des dossiers de violence conjugale. Lorsqu’il a reçu une peine de cinq mois de prison, il était détenu et attendait son procès pour meurtre.

Un arrêt des procédures dans plus de 200 affaires criminelles

Les tribunaux du pays ont ordonné l’arrêt des procédures dans plus de 200 affaires criminelles depuis le fameux arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, il y a un an.

Les documents judiciaires révèlent que des affaires de meurtre, d’agression sexuelle, de pédophilie et de trafic de drogue ont ainsi été abandonnées par la Couronne parce qu’elles n’étaient pas entendues assez rapidement pour garantir le droit de tout inculpé d’être jugé « dans un délai raisonnable ».

Même si Ottawa et les provinces ont déployé des efforts depuis un an pour nommer de nouveaux magistrats, certains observateurs, comme le président de l’Association canadienne des juristes de l’État, croient que les gouvernements devront apporter rapidement des changements plus draconiens à ce système lourdaud. «

En attendant, des meurtriers seront remis en liberté », prévient Rick Woodburn.

L’arrêt Jordan, du nom d’un inculpé de Colombie-Britannique dans une affaire de stupéfiants, a été prononcé le 8 juillet 2016 par une mince majorité d’un juge ; les quatre juges minoritaires craignaient justement que des milliers de causes soient abandonnées.

Augmentation ?

La Presse canadienne a demandé à toutes les juridictions du pays de pouvoir obtenir leurs données afin de dresser un bilan de l’impact de cet arrêt. On apprend ainsi que 1766 requêtes en ce sens ont été déposées, et que 204 ont été accueillies favorablement, mais que 333 autres ont été rejetées. Les autres requêtes sont toujours évaluées par les tribunaux, ont été abandonnées par la défense ou ont été résolues autrement.

Par contre, la Couronne a renoncé elle-même à procéder dans d’autres affaires, sachant qu’elle serait aussitôt accueillie au procès par une « requête Jordan ». Le seul Service des poursuites pénales du Canada a ainsi abandonné 67 causes avant même de se présenter en cour.

Il est cependant difficile de savoir si le nombre d’arrêts des procédures a augmenté depuis la décision de la Cour suprême, car la plupart des provinces ne tenaient pas auparavant de telles statistiques. Mais selon une étude de l’Université Dalhousie, à Halifax, le nombre de requêtes et le nombre d’arrêts des procédures prononcées ont effectivement augmenté depuis un an.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, espère annoncer une réforme l’automne prochain. Elle a aussi promis de revoir le régime des peines obligatoires minimales. Malgré une rafale de nominations à la magistrature, 49 postes de juges nommés par le fédéral sont toujours vacants, en plus d’une quinzaine de postes de juges nommés par les provinces.

Paru sur Le Devoir

crédits photo: Annik MH de Carufel Archives Le Devoir