Lettre ouverte | «Pas une de plus», rien qu’un slogan qu’on enterre avec elles

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«Pas une de plus», rien qu’un slogan qu’on enterre avec elles

Au moment où ces lignes étaient écrites, huit femmes ont été tuées au Québec depuis le début de l’année 2025. Huit vies. Huit féminicides présumés, dont deux en une seule semaine. Le plus récent s’est produit à Lachute, où une femme a été tuée dans sa maison. Elle venait de se fiancer. Avant elle, c’était Simone Mahan, une travailleuse de la santé en instance de divorce. Toutes tuées par des hommes. Les accusés ? Ce sont d’ex-conjoints, futurs conjoints, fils, connaissances.

Chaque fois, l’histoire recommence. Chaque fois, on parle de drame. De fatalité. Chaque fois, on oublie que ces féminicides sont évitables et prédictibles. Oui, il y a toujours des drapeaux rouges. À nous tous et toutes de les voir et d’agir, autant par une réponse gouvernementale claire et concrète que dans la communauté.

La réalité est brutale : les violences faites aux femmes sont systémiques. Elles prennent racine dans des rapports de pouvoir inégalitaires, dans la banalisation du contrôle, dans l’indifférence des institutions, dans le sous-financement chronique des ressources d’aide.

Les femmes sont tuées parce qu’elles sont femmes. Parce qu’elles ont voulu partir, parce qu’elles ont voulu s’affranchir. Parce qu’elles ont dit non. Parce qu’elles existent en dehors du pouvoir qu’on tente d’exercer sur elles. Ces violences ne se limitent pas à la sphère conjugale. Elles traversent les foyers, les milieux de travail, les institutions judiciaires, les écoles, les espaces publics, les médias. Elles touchent toutes les femmes, mais plus durement encore les femmes autochtones, racisées, en situation de handicap, migrantes, précaires, lesbiennes ou trans.

Elles se manifestent dans les coups, les menaces, les humiliations, mais aussi dans l’inaction des services publics, dans l’impossibilité d’avoir accès à un logement sécuritaire et réellement abordable, dans les décisions judiciaires qui confient les enfants à un agresseur, dans le manque de financement pour les maisons d’hébergement, dans l’absence de réels plans de prévention.

Chaque féminicide est un échec. Celui d’un État qui refuse encore de nommer la violence faite aux femmes comme une priorité politique. Celui d’un système de justice qui coche des cases, parfois en revictimisant celles qu’il devrait protéger. Celui d’un réseau communautaire épuisé, malgré le travail essentiel accompli sur le terrain.

Nous savons ce qu’il faut faire. Il est temps que les hommes violents reconnaissent leurs actes et en assument la responsabilité, et que les hommes non violents brisent le silence en nommant, en dénonçant et en refusant la violence de leurs pairs. Les études sont là. Les revendications sont claires. Les femmes parlent. Elles alertent. Elles préviennent. Ce qui manque, ce n’est pas l’information. C’est la volonté politique de passer à l’action.

Il est urgent de reconnaître les violences faites aux femmes comme une crise sociale, et non comme une suite de faits divers. Il est urgent d’écouter les femmes et de tenir compte de leur expertise, y compris dans les décisions politiques et judiciaires qui les concernent. Il est urgent de financer adéquatement les maisons d’hébergement, les centres de femmes et les ressources spécialisées. Il est urgent de mettre en œuvre des politiques de prévention et de sensibilisation en continu, qui agissent sur les causes profondes de la violence : sexisme, pauvreté, racisme, impunité.

La société québécoise ne peut plus détourner le regard pendant que des femmes sont tuées, violentées, harcelées, agressées sexuellement, humiliées semaine après semaine.

Nous ne voulons pas d’une minute de silence. Nous voulons des actions concrètes.

Parce que les prochaines femmes sont déjà en danger.

 

Document(s) et lien(s)

Pour lire la lettre ouverte dans Le Devoir : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/881923/idees-pas-plus-rien-slogan-on-enterre-elles