Nous voulons avant tout souligner, encore une fois à la suite de la Loi sur l’implantation des tribunaux spécialisés, l’engagement politique et la volonté législative du gouvernement Québécois quant à la réforme en profondeur de la Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui, le projet de loi numéro 12.
Bien des changements importants ont été effectués depuis la mise en chantier de la Politique gouvernementale d’intervention en matière de violence conjugale en 1995 ainsi que les différents plans d’action et politique en matière d’agressions et d’exploitation sexuelles. Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme en profondeur du droit de la famille et du Code civil, longtemps attendue, propose certains amendements en termes d’une prise en compte de la violence familiale dans l’évaluation de l’intérêt de l’enfant en lien avec la détermination des droits de garde entre autres (projet de loi 2). Ces changements structurants amélioreront de façon notable la prise en compte de la violence familiale/conjugale/sexuelle par les tribunaux (projet de loi 2 et 12). Rappelons que ce n’est que depuis 1983, que le viol au sein du mariage est considéré comme un crime au Canada. Le projet de loi no 12, va encore plus loin et propose de retirer à l’agresseur toute emprise sur sa victime et l’enfant provenant de l’agression sexuelle, tout en le responsabilisant financièrement pour ce viol. Le projet de loi 12 marque un fois de plus cette volonté du gouvernement de protéger les femmes violentées et leurs enfants, en introduisant des dispositions concernant la possibilité de s’opposer à l’établissement de la filiation en contexte d’agression sexuelle.
Cependant le projet de loi 12 semble avoir été réfléchi dans un contexte spécifique d’agression sexuelle faisant référence à l’agression sexuelle vécue par Océane et la demande ultérieure de l’agresseur de faire valoir ses droits sur l’enfant. Nous saluons le courage dont à fait preuve Océane afin que le législateur légifère dans le but d’empêcher de tels recours injustifiables. Toutefois, la situation d’Océane ne représente qu’un cas de figure, et le projet de loi devrait prendre en compte toutes les formes d’agressions sexuelles notamment celles perpétrées en contexte de violence conjugale et familiale qui sont plus complexes en termes de démonstration de la preuve. C’est ce que nous explorerons dans ce mémoire, très largement inspiré du mémoire de Me Michaël Lessard, avec qui nous avons partagé nos réflexions qu’il a judicieusement rendues en langage juridique.