Québec, le 5 février 2021 – Plusieurs groupes et experts en matière d’accompagnement, de soutien et de défense des droits des personnes vulnérables se trouvaient virtuellement ce matin aux côtés du député de LaFontaine et porte‑parole du Parti libéral du Québec en matière de justice, Marc Tanguay, de la députée de Sherbrooke et porte‑parole de Québec solidaire en matière de condition féminine, Christine Labrie, ainsi que de la députée de Joliette et porte‑parole du Parti Québécois en matière de justice, Véronique Hivon; ensemble, ils font front commun et demandent au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, de remettre le projet de loi no 84, Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement, sur sa planche à dessin.
Lors d’un point de presse, toutes et tous avaient le même message : alors que cette réforme attendue de longue date était porteuse d’un réel espoir pour l’avancement du soutien aux victimes sous toutes ses formes, d’importantes inquiétudes sont apparues lors des consultations publiques, tenues il y a deux semaines. Notamment, nombreux sont les intervenants qui craignent que dans sa forme actuelle, la réforme, censée inclure plus de victimes, finisse au contraire par en laisser plusieurs de côté. Or, au lieu de prendre un temps d’arrêt et d’indiquer sa volonté de revoir en profondeur son projet de loi, le ministre semble vouloir en précipiter l’adoption.
Aujourd’hui, ce que demandent les groupes, experts et élus au ministre Jolin-Barrette, c’est de ne pas amorcer l’étude détaillée du projet de loi avant d’avoir retravaillé significativement les articles qui posent un problème, et ce, en collaboration étroite avec les acteurs du terrain. L’objectif étant d’en faire une bonne réforme du régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), collée aux besoins réels.
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Ce qu’ils ont dit :
« L’Association québécoise Plaidoyer-Victimes considère que le projet de loi no 84 exige d’importants changements. C’est le cas, par exemple, des articles concernant l’aide aux victimes ainsi que l’exercice de leurs droits et recours. Ce projet de loi ne prend aucunement en considération les nombreuses recommandations formulées expressément sur ces questions dans le rapport du Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Très complexe, le texte de loi exige qu’on y consacre plus de temps et plus de consultations. »
Arlène Gaudreault, présidente, Association québécoise Plaidoyer-Victimes
« Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale craint que la nouvelle structure d’aides financières ne soit préjudiciable aux victimes qui ne sont pas sur le marché du travail, comme c’est le cas d’un certain nombre de femmes victimes de violence. Une évaluation approfondie de ces dispositions s’avère nécessaire avant d’aller de l’avant. »
Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
« Les victimes d’exploitation sexuelle attendent depuis longtemps de voir leur vécu reconnu. Pour la CLES, ce projet de loi est essentiel; il doit cependant permettre d’améliorer le sort des femmes avec qui nous travaillons. »
Diane Matte, cofondatrice, Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
« Le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) est hautement préoccupé par l’impact que le projet de loi no 84 pourrait avoir sur les victimes s’il devait être adopté sans avoir fait l’objet d’une révision approfondie. Parce qu’une grande proportion des bénéficiaires du régime de l’IVAC sont des victimes d’agression sexuelle (43 % en 2019), nous croyons qu’il est essentiel que notre voix soit entendue et reconnue. Dans un contexte de surcharge de travail constante et exacerbée par la situation pandémique, le ministre de la Justice compte-t-il prendre en considération notre expertise en nous donnant les moyens et le temps de faire notre travail d’analyse et de concertation avec nos partenaires? »
Stéphanie Tremblay, agente de liaison, RQCALACS
« La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes considère que le projet de loi no 84 possède plusieurs zones d’ombre touchant la reconnaissance des besoins des victimes de violence conjugale et de leurs proches. Ce projet de loi doit, entre autres, tenir compte des recommandations du Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, dont le rapport a été rendu public en décembre dernier, en même temps que l’annonce des consultations sur le projet de loi no 84. De ce fait, nous demandons un délai supplémentaire au gouvernement, afin d’analyser le projet de loi en profondeur et d’émettre des recommandations mieux adaptées aux besoins des victimes et de leurs proches. »
Manon Monastesse, directrice générale, Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
« Les victimes vivront avec cette réforme pendant des décennies. La précipitation a mauvais goût. Les reculs sont plus importants que les avancées dans ce projet de loi, surtout en ce qui concerne les prestations financières aux victimes inaptes au travail. Cette question est au cœur de leur vie et elle ne saurait se régler à leur détriment. »
Me Marc Bellemare, avocat spécialisé dans les régimes d’indemnisation
« Je demande au ministre de la Justice de revoir son projet de loi afin de mieux répondre aux besoins des victimes d’actes criminels. L’opposition officielle est évidemment d’accord pour réformer l’IVAC; toutefois, il ne faut laisser aucune victime de côté. Force est de constater que le projet de loi no 84 crée des injustices et exclut des victimes. J’ai à cœur, comme élu, de faire mon travail de législateur de façon exemplaire et cela implique de bonifier les projets de loi qui sont présentés. Dans celui-ci, il est clair que le tout a été fait trop rapidement et, d’ailleurs, une grande partie des groupes qui sont venus témoigner en commission parlementaire nous ont souligné le manque de temps qu’ils ont eu pour se préparer et analyser le projet de loi. Le ministre doit s’assurer d’être à l’écoute des demandes et des propositions des groupes. »
Marc Tanguay, député de LaFontaine et porte‑parole du Parti libéral du Québec en matière de justice
« De nombreux intervenants et intervenantes ont fait valoir que ce projet de loi représente un recul pour les victimes. Ça ne sert à rien de faire un pas en avant pour couvrir plus de victimes si, en même temps, on fait deux pas en arrière avec ce qu’offre le programme d’indemnisation. Le plus inquiétant, c’est que le ministre n’a jusqu’à maintenant fait preuve d’aucune ouverture pour corriger les problèmes majeurs de son projet de loi, comme l’indemnité de revenu qui est fortement diminuée, ou l’absence de rétroactivité. Il doit réviser sa réforme s’il veut qu’on puisse l’appuyer. »
Christine Labrie, députée de Sherbrooke et porte‑parole de Québec solidaire en matière de condition féminine
« C’est une chose de proposer une réforme de l’IVAC, mais encore faut-il proposer la BONNE réforme de l’IVAC! Les inquiétudes sont très nombreuses et le ministre ne peut pas les balayer sous le tapis. Il doit retourner à sa table de travail et proposer une réforme à la hauteur des besoins des victimes. »
Véronique Hivon, députée de Joliette et porte‑parole du Parti Québécois en matière de justice
Plusieurs autres organismes ont tenu à manifester leur appui à la démarche concertée, dont le Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec inc. (G.A.I.H.S.T.), le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), le Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal (CVASM) et l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD).