Une femme allègue avoir été agressée sexuellement par un député libéral

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Le premier ministre Philippe Couillard a dit jeudi matin prendre la chose très au sérieux, lors d’une mêlée de presse, demandant aussitôt au whip du gouvernement, Stéphane Billette, de mener une enquête interne auprès des membres masculins du caucus libéral pour tenter de découvrir si ces allégations étaient fondées.

«Je veux qu’on fasse les vérifications», a dit le premier ministre, s’engageant à ce que chaque député libéral soit questionné à ce propos.

Questionnée à savoir si elle connaissait l’identité du député libéral visé, la vice-première ministre Lise Thériault a rétorqué : «Ce qui se dit au caucus reste au caucus». 

Mercredi soir, à l’Université Laval, lors d’un rassemblement en appui aux victimes d’agressions sexuelles survenues récemment dans une résidence de l’université, une jeune femme présentée sous le nom d’Alice a pris la parole pour dénoncer une agression qu’elle dit avoir subie dans un restaurant de Québec durant l’été 2014, restaurant où elle avait été embauchée comme hôtesse.

Sur sa page Facebook, retirée depuis, la jeune femme a écrit que l’agresseur était un député libéral, mais elle ne le nomme pas.

Elle affirme que le député en question aurait exercé du chantage auprès d’elle pour qu’elle taise l’affaire, mais elle a tout de même porté plainte à la police un an plus tard. L’enquête policière n’aurait pas eu de suites, selon elle. 

La jeune femme soutient avoir perdu son travail à cause de cette histoire, le député en question étant, selon ses dires, un vieil ami du patron du restaurant, qu’elle n’identifie pas non plus. La plaignante affirme être marquée « pour la vie », tant physiquement que psychologiquement par ces événements.

Tous choqués

Lise Thériault s’est dite « choquée » d’apprendre qu’un de ses collègues fasse l’objet d’allégations d’agression sexuelle. « On est tous choqués », a-t-elle lancé au terme d’une séance de travail du caucus. La ministre responsable de la Condition féminine a invité toute personne ayant été la cible de comportements inappropriés d’un autre individu de le dénoncer. « Il n’y a personne au-dessus des lois, que ce soit un député ou non », a-t-elle insisté. 

« J’ai une fille et une petite-fille, et quand je vois ça, ça me renverse », a commenté M. Couillard, en ajoutant son souhait que les femmes se sentent en sécurité partout, et particulièrement sur les campus étudiants. « Ce sujet n’est pas banalisé, il n’est pas tassé. Il est traité au plus haut niveau de priorité qu’il mérite », a assuré le premier ministre.

Lisée se questionne sur l’influence

Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, a invité « Alice » à porter une nouvelle fois plainte au Service de police de la Ville de Québec. « Il y a l’enquête sur l’agression elle-même qui doit suivre son cours. C’est l’affaire de la police. S’il y a eu une tentative de « cover up », c’est une autre enquête que la police des polices doit mener », a-t-il affirmé dans le hall du Parlement.

Il a ainsi interpellé le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) afin qu’il tire au clair si la jeune femme a subi une « influence indue » de la part d’un policier avant de retirer sa plainte. « Qui l’a dissuadée ? Ce n’est certainement pas à la police de dissuader une jeune femme victime d’agression sexuelle de continuer sa démarche pour avoir justice », a poursuivi M. Lisée.

Par ailleurs, le chef péquiste a qualifié d’intenable la présence d’un élu sous le coup d’une accusation criminelle au sein d’un parti politique. « Un élu qui est formellement accusé d’une agression sexuelle ne peut pas siéger dans son caucus par exemple. Ça, on le verra lorsque le nom sera dévoilé », a-t-il insisté, tout en se gardant d’« aller plus vite que ce que la police doit faire dans les heures qui viennent ».

Legault: «C’est épouvantable»

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, n’arrive pas à croire qu’un policier ait pu dissuader une femme de porter plainte à l’égard d’un élu de l’Assemblée nationale. « C’est épouvantable. Si effectivement c’est vrai que des policiers reprochent aux femmes de dénoncer, il faut dénoncer ces policiers-là ! » a-t-il lancé à l’occasion d’un point de presse. M. Legault a par la suite appelé la société à « protéger, accompagner, encourager » les victimes d’agression. « On ne peut pas commencer à prendre la part des agresseurs. »

Serge Simard «surpris»

Le député de Dubuc, Serge Simard, s’est dit « surpris » d’apprendre que l’un des membres de son caucus soit visé par des allégations d’agression sexuelle. « Il y a sûrement des gens qui vont faire des enquêtes. À ce moment-là, on verra », a-t-il affirmé dans une mêlée de presse.

Un journaliste a alors demandé à l’ex-ministre si « un geste s’impose de la part de[son] parti [puisqu’il] semble que ce serait un député libéral selon la plaignante ». « Vous avez bien dit : « Il semble ». On demande très souvent à quelqu’un « C’est quoi le nom de ton maire ? » puis il ne le sait pas. Je ne sais pas si elle sait… » a rétorqué M. Simard avant de mettre le cap vers la salle des premiers ministres où se réunissait la députation libérale.

Durant la période des questions, les députées péquiste Mireille Jean et caquiste Nathalie Roy se sont tour à tour désolées de voir leur confrère libéral banaliser une dénonciation d’agression sexuelle.

Article paru sur le Devoir

crédits photo: Getty images