Près d’une centaine de groupes de la société civile québécoise, appuyés par des milliers de citoyens, avaient demandé une commission sur le racisme systémique.
Dans un contexte international marqué par la progression des discours d’exclusion et la percée de figures d’extrême droite dans la plupart des démocraties, le gouvernement du Québec recule sur ses engagements et annonce un exercice qui ne porte désormais ni sur le racisme ni sur l’aspect systémique du phénomène, et n’est même pas une commission.
En considérant que seul l’emploi des personnes immigrantes mérite d’être étudié, le gouvernement commet deux erreurs graves.
D’une part, il confond personne racisée et personne immigrante. D’autre part, il considère les personnes racisées comme une simple ressource pour un marché du travail en pénurie de main-d’œuvre. Exit les droits en tant que travailleurs ; l’éducation, la santé, les services sociaux et le logement ; la justice et la sécurité publique ; la culture et les médias. En faisant l’impasse sur ces dimensions initialement prévues dans la consultation, le gouvernement montre qu’il ne considère pas les Québécois que l’on racise comme des citoyens à part entière.
Pour prendre la pleine mesure de l’absurdité de la situation, imaginons un instant que la réponse politique au mouvement #MoiAussi se soit limitée à un forum de « valorisation de la femme » dans l’économie québécoise. Un exercice où on ne nommerait pas le problème du sexisme, où la parole des femmes ne serait pas au centre de la démarche. Ce scénario apparaît inconcevable et pourtant, à plusieurs égards, il s’apparente à la démarche du ministre David Heurtel.
En réalité, en ne voyant les personnes racisées que comme des ressources et en invalidant sans aucun ménagement leurs demandes clairement exprimées, le gouvernement contribue au racisme institutionnel qu’il se refuse par ailleurs à examiner.
Le Parti libéral du Québec a formé presque tous nos gouvernements depuis 2003. Le bilan de son action contre le racisme peut être résumé à un non-engagement, à l’absence de dialogue, des plans minimalistes sans impact, des reculs et des revirements improvisés au fil des années.
En fait, quel que soit le domaine concerné, on aurait du mal à nommer là où il y a eu amélioration durant les 14 dernières années.
Et il y a là où ça empire. Après s’être contenté d’observer les bras croisés la montée de l’islamophobie depuis le début des années 2000, ce même gouvernement s’est proposé de l’institutionnaliser avec la loi 62. Moins d’un an après l’attentat de la mosquée de Québec, on aura utilisé l’appareil législatif pour construire la marginalisation des minorités vulnérables dans l’espace public comme « consensuel ». En ouvrant la porte à la suppression de droits fondamentaux sans motif valable, ce gouvernement encourage l’intolérance et crée un précédent qui sera lourd de conséquences.
Puisque le racisme systémique se manifeste lorsqu’une institution crée ou maintient une inégalité pénalisant les personnes racisées, les réponses à y apporter relèvent d’abord des politiques publiques. C’est dans cet esprit que les gouvernements du Canada, de l’Ontario, de l’Alberta ou encore de la Nouvelle-Écosse ont nommé le problème du racisme systémique et se sont engagés à l’enrayer.
Chez nous, le gouvernement considère que le malaise de certaines personnes à parler de racisme est plus important que l’impact du racisme sur les gens. Heureusement, nous sommes nombreux à savoir que le travail pour l’atteinte de l’égalité n’est pas un procès, mais plutôt un projet de société dont l’objectif est notre dignité individuelle et collective.
Nous sommes plus que jamais convaincus du rôle essentiel que doit jouer la société civile. Face aux nombreux espoirs suscités par la conversation déjà engagée dans l’espace public, nous nous ferons un devoir de poursuivre la mobilisation.
Source : La Presse