Le président français François Hollande a accordé dimanche à Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, une grâce partielle ouvrant la voie à sa rapide remise en liberté, peut-être dès la mi-avril.
«Le président de la République a voulu, face à une situation humaine exceptionnelle, rendre possible, dans les meilleurs délais, le retour de Mme Sauvage auprès de sa famille», a déclaré la présidence dans un communiqué.
Sa remise de peine «de 2 ans et 4 mois» porte sur «l’ensemble de la période de sûreté qu’il lui reste à accomplir», précise le texte.
Ceci signifie que Jacqueline Sauvage, 68 ans, pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle «dès la mi-avril», se sont réjouies ses avocates, Mes Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini.
Elles ont ajouté que les trois filles de Jacqueline Sauvage «sont heureuses car le président les a entendues et ne les a pas déçues. Il a été fidèle à ses propos de vendredi dernier».
«Je suis bouleversée, je suis heureuse, je suis reconnaissante, je suis soulagée», a déclaré pour sa part Eva Darlan, créatrice du comité de soutien à Jacqueline Sauvage. «Je me dis que l’on va enfin peut-être pouvoir travailler sur la condition des femmes en France, et que malheureusement Jacqueline Sauvage a payé très très cher le fait que l’on puisse évoluer», a-t-elle ajouté.
Le chef de l’État avait reçu vendredi les trois filles de Mme Sauvage et leurs avocates. «Il les avait écoutées longuement et avait décidé de se laisser le temps de la réflexion, en fait le week-end (…). Il a de nouveau reçu ce dimanche à 18h les avocates de Jacqueline Sauvage pour leur annoncer sa décision», a déclaré à l’AFP l’entourage de M. Hollande.
Au lendemain du suicide de leur fils, Jacqueline Sauvage avait tué son mari en septembre 2012 de trois coups de fusil dans le dos après 47 ans d’enfer conjugal et de violences, notamment sexuelles, dont ses quatre enfants ont également été victimes.
La confirmation le 3 décembre par une cour d’assise de sa condamnation à dix ans de prison avait révolté ses trois filles, Sylvie, Carole et Fabienne Marot.
«Notre mère a souffert tout au long de sa vie de couple, victime de l’emprise de notre père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux», avaient-elles plaidé.
La légitime défense est au cœur du combat mené par les proches de Jacqueline Sauvage. Une femme battue, acquittée en 2012 pour le meurtre de son mari, est montée au créneau cette semaine pour souligner que la sexagénaire « n’a fait que riposter à toutes ces attaques pendant 47 ans ».
« LUI OU MOI »
« Ils auraient préféré quoi ? Qu’elle fasse partie des 118 femmes qui meurent chaque année sous les coups des maris violents ? », s’est interrogée Alexandra Lange.
Cette femme avait tué d’un coup de couteau à la gorge son mari qui tentait de l’étrangler. Au cours de son procès, elle avait déclaré : « C’était lui ou moi » et la légitime défense avait été retenue en sa faveur.
Mais au procès de Jacqueline Sauvage, l’avocat général avait au contraire estimé que la légitime défense n’était « absolument pas soutenable ».
« Aux violences de son mari, elle aurait dû répondre par un acte proportionné, immédiat et nécessaire. Face à un coup de poing (…), elle tire trois balles », avait-il clamé.
L’avocate de Jacqueline Sauvage avait au contraire demandé aux jurés de « prendre la mesure des conséquences irréversibles des violences faites aux femmes ».
Le cas de Jacqueline Sauvage a suscité une mobilisation croissante. Ses filles avaient adressé au président une demande de grâce, appuyée par de nombreux parlementaires et personnalités, et soutenue par une pétition qui a recueilli 400 000 signatures.
L’ex-ministre de la Justice Christiane Taubira, qui a démissionné la semaine dernière du gouvernement, s’est dite «heureuse» dimanche soir sur Twitter que «malgré tous les avis réservés, le président de la République ait fait droit à (ses) arguments».
«Enfin ! Sous la pression de l’opinion publique mobilisée, Hollande a cédé. Heureuse pour Jacqueline Sauvage et la cause des femmes», a tweeté pour sa part l’ex-ministre de l’opposition de droite Nathalie Kosciusko-Morizet, qui avait rendu visite à la condamnée mardi en prison.
La Constitution autorise le président français à exercer le droit de grâce, uniquement à titre individuel depuis 2008. Mais l’entourage de M. Hollande avait rappelé récemment qu’il n’était, par principe, pas favorable à la grâce présidentielle. Il ne l’a d’ailleurs exercée qu’une seule fois, en permettant la libération conditionnelle, en janvier 2014, du plus ancien détenu de France, Philippe El Shennawy, sans éteindre sa peine.
Informations tirées de La Presse: