Des enfants agresseurs
Même si, dans la plupart des cas, l’agresseur est un homme, il arrive aussi que les enfants soient en cause. À Québec, des intervenantes ont rapporté qu’une dame birmane dans la fin de la cinquantaine avait été placée en maison d’hébergement après avoir été maltraitée par un de ses enfants, adulte. La personne cachait notamment les cahiers de francisation de la mère pour l’empêcher de sortir et la forcer à prendre en charge toutes les tâches ménagères.
De partout
Beaucoup d’intervenantes soulignent que les victimes proviennent de tous les milieux, sont souvent occidentales et scolarisées. C’est le cas de Laurie*, qui a quitté la Belgique contre son gré pour accompagner au Québec son conjoint, qui a obtenu un permis vacances-travail (PVT) pour un an.
Son statut est précaire puisqu’elle possède l’équivalent d’un visa de touriste qui ne lui permet pas de travailler au Québec. Ils ont un enfant rapidement après leur arrivée à Montréal, et leur situation conjugale se dégrade. Jaloux et agressif, le conjoint de Laurie lui fait subir toutes les formes de violence psychologique.
Sans réseau ni famille, elle hésite à le quitter puisqu’elle se retrouvera sans statut. Lorsqu’elle se réfugie dans une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, son mari, furieux, l’accuse d’enlèvement. S’amorce alors une longue saga judiciaire dont elle attend toujours le dénouement, quatre ans plus tard.
L’isolement total
« On a reçu des femmes qui ne parlaient ni le français ni l’anglais, qui n’étaient jamais sorties de la maison dans laquelle on les avait lancées à leur arrivée », a raconté en commission parlementaire Marie-Hélène Senay, de la Fédération des maisons d’hébergement, à propos d’un groupe de femmes originaires du Bangladesh. « Ça faisait cinq ans. Elles étaient privées de vêtements d’hiver, de chauffage, de nourriture, d’éclairage, et sans télé, évidemment. Quand on a fini par leur parler, elles savaient qu’elles étaient au Canada, mais ne connaissaient ni la province, ni la ville, ni la rue, ni le transport en commun… »
Des mariages sur Internet
« Des hommes sont ici, qu’ils soient immigrants ou d’origine canadienne-québécoise, qui, de plus en plus, par Internet, vont connaître des femmes asiatiques, de l’Europe de l’Est ou autre, et les font venir ici. Ça peut être des femmes qui arrivent sans statut, et l’homme leur dit : « Quand tu vas arriver ici, je vais faire tous les papiers », raconte Nicole Richer, de la maison Secours aux femmes. J’ai même vu un mariage à distance, par vidéo. Sinon, le monsieur va là-bas, marie la femme et, de retour ici, refait la demande de parrainage, et là, la femme est sous sa responsabilité pendant deux ans si elle veut la résidence. Parfois, il y a même eu des enfants nés pendant cette courte période de temps. »
Seule et enceinte
Dans un mémoire de maîtrise sur des immigrantes parrainées ici, Lorena Suelves Ezquerro rapportait en 2014 le cas d’Audrey, une femme d’origine colombienne qui a commencé à être maltraitée par son conjoint une fois enceinte au Québec.
« J’étais au parc Victoria avec lui, son frère et un ami. Ils étaient à vélo tous les trois. Je ne pouvais pas aller à vélo parce que j’étais enceinte. Je ne pouvais pas les suivre parce que je marchais à mon rythme, alors ils ont commencé àaccélérer de plus en plus et je leur disais : je ne peux pas courir ! Eux riaient très fort, ils s’amusaient… Ils sont partis et m’ont laissée toute seule dans le parc. Je ne pouvais même pas rentrer chez nous parce que je ne connaissais pas le chemin.
« Imaginez, la seule chose que j’ai faite, c’est de m’asseoir sous un arbre et de commencer à pleurer. Un jeune Québécois qui jouait de la guitare pas loin s’est approché de moi. Il voulait m’aider, mais on ne pouvait pas communiquer. Je pleurais, je hurlais, et je pense que les gens croyaient que j’étais folle, mais je criais désespérément… »
* Certains lieux et noms ont été modifiés pour protéger les victimes.
Article paru dans Le Devoir
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