Beaucoup de harcèlement au travail, mais peu de soutien, révèle un rapport d’Ottawa

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 Parmi ceux qui ont signalé un incident, 41 % considèrent que rien n’a été fait pour régler le problème.

Un répondant sur cinq dit avoir subi de la violence en général. Pour 3 % des répondants, il s’agissait spécifiquement de violence sexuelle.

Le ministère fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a publié jeudi le Rapport sur le harcèlement et la violence sexuelle – Ce que nous avons entendu. Au ministère, on affirme que c’est la première fois que pareilles consultations publiques sont menées sur le thème du harcèlement et de la violence au travail.

Pour la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’oeuvre et du Travail, Patty Hajdu, les événements liés à la violence et au harcèlement « peuvent changer le cours de la vie d’une personne ». Traumatismes, maladie mentale, toxicomanie, éclatement de la famille… La violence et le harcèlement au travail entraînent tout cela, affirme la ministre Hajdu.

“Nous savons que ces incidents ont pour effet de nuire à la santé et à la sécurité des travailleurs, ce qui accroît l’absentéisme et entraîne des coûts pour les employeurs.” – Extrait d’une déclaration écrite de Patty Hajdu, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail du Canada.

Sondage en ligne et tables rondes

Le gouvernement a mené ses consultations en effectuant un sondage en ligne du 14 février au 9 mars dernier auprès de 1205 personnes. Ce sont des femmes qui y ont répondu en très forte majorité. À ce sujet, le gouvernement précise que les réponses à ce sondage ne sont pas représentatives de l’ensemble de la population du pays, du fait que les répondants ont choisi eux-mêmes de participer à l’exercice.

Les auteurs du rapport ont aussi mené des tables rondes et des téléconférences avec des employeurs tels que CBC/Radio-Canada, Air Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), des organisations patronales comme l’Association des banquiers canadiens, des syndicats et des groupes de défense.

Déposer un projet de loi est « une option » – Patty Hajdu

Pour lutter contre ces fléaux au travail, les participants aux tables rondes et aux téléconférences ont affirmé que tout changement au cadre législatif et réglementaire actuel devrait avoir pour but ultime d’en réduire l’incidence et d’accélérer le traitement des plaintes à l’interne.

Déposer un projet de loi aux Communes est « une option », dit la ministre Hajdu. Mais, pour être efficace, toute mesure législative devrait être accompagnée « de ressources pour la formation, pour la sensibilisation ».

« Nous allons certainement tenter de faire en sorte que tous les employeurs dans les milieux de travail sous réglementation fédérale aient accès aux ressources dont ils ont besoin pour faire de la formation et mettre en place leur propre cadre réglementaire », a-t-elle spécifié.

Cela comprend les employés de la Chambre des communes. Sur la colline du Parlement, il y a quelques années, le problème du harcèlement s’est retrouvé sous les projecteurs, notamment dans la foulée de l’expulsion de deux députés libéraux ayant été visés par de telles allégations.

La ministre a dit avoir recueilli plusieurs témoignages « inacceptables » sur « le comportement de certaines personnes sur la colline » au fil de certains échanges qu’elle a eus avec de « jeunes employés »depuis son arrivée dans la capitale fédérale.

« Personnellement, je suis très préoccupée par cela », a-t-elle laissé tomber.

Rien n’est tenté pour régler le problème

Le rapport du gouvernement révèle que, souvent, les incidents de harcèlement et de violence sexuelle en milieu de travail ne sont pas signalés. Et, lorsqu’ils le sont, ils sont rarement résolus de manière efficace.

“Bien que 75 % des répondants au sondage en ligne qui ont été victimes de harcèlement, de harcèlement sexuel ou de violence aient signalé l’incident le plus récent, 41 % de ces répondants ont déclaré que rien n’avait été tenté pour régler le problème.” – Extrait du Rapport sur le harcèlement et la violence sexuelle – Ce que nous avons entendu

Parmi les répondants au sondage qui disent avoir vécu du harcèlement sexuel au travail, 94 % sont des femmes. Il appert aussi que les personnes handicapées et les membres d’une minorité visible étaient plus susceptibles de subir du harcèlement que d’autres groupes.

On assiste à un éveil collectif, dit Justin Trudeau

De Toronto, où il se trouvait jeudi, le premier ministre du pays a déploré que le rapport souligne « ce que malheureusement trop d’entre nous savions déjà, que le harcèlement, l’intimidation et les agressions sexuelles sont beaucoup trop communs dans nos lieux de travail à travers le pays ».

« C’est très lent à changer les attitudes et les mentalités », a déclaré Justin Trudeau, qui se réjouit par ailleurs qu’un « éveil collectif » se fasse « au Québec, à Hollywood, au Parlement, partout à travers le pays et dans le monde ».

M. Trudeau appelle tout un chacun, et particulièrement les hommes qui sont témoins d’agissements inappropriés à l’encontre de leurs collègues féminines, à prendre conscience que ces situations sont inacceptables et qu’elles doivent être dénoncées.

La ministre Hajdu a pour sa part révélé que les données issues du rapport l’ont ramenée à sa propre expérience, du temps qu’elle dirigeait un refuge pour personnes itinérantes.

Mme Hajdu se souvient d’avoir dénoncé un incident survenu en milieu de travail alors qu’elle était « très jeune », mais d’en avoir ensuite laissé passer de nombreux autres. Son silence, dit-elle, n’était pas nécessairement lié à la peur de perdre son emploi, mais plutôt au fait qu’à force de travailler dans des secteurs composés majoritairement d’hommes, la dénonciation « finit par ne plus traverser l’esprit ».

Se taire, de peur de représailles

Selon ce qui émane du rapport, quantité de gens choisissent de ne pas rapporter l’incident dont ils ont été victimes, en grande partie parce qu’ils craignent de subir des représailles s’ils déposent une plainte.

Près du quart des personnes disant avoir subi du harcèlement ou de la violence au travail affirment que leur employeur ne leur a offert aucun soutien à la suite du plus récent incident à avoir été rapporté.

Voici les principaux obstacles cités par les répondants :

  • le superviseur ou le gestionnaire n’a pas pris la plainte au sérieux;
  • le superviseur ou le gestionnaire n’a pas lancé d’enquête;
  • l’employé a subi des représailles de la part de personnes en situation d’autorité.

Certes, il existe des politiques de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Mais d’après les répondants au sondage mené par le gouvernement canadien, ces politiques ne sont pas accompagnées de formation appropriée.

Le gouvernement canadien, qui se dit déterminé à prendre « des mesures concrètes pour lutter contre le harcèlement et la violence au travail », promet d’annoncer « sous peu » les étapes qu’il entend suivre.

L’an dernier, le gouvernement canadien avait publié les résultats de l’Enquête sur les milieux de travail de compétence fédérale de 2015 qui révélait que 295 plaintes formelles pour harcèlement sexuel avaient été déposées auprès d’employeurs en 2015, dont 80 % venaient de femmes.

De plus, 1601 incidents de violence avaient été signalés en 2015; 60 % des employés blessés ou ciblés étaient des hommes.

Sources : radio-Canada avec CBC et la Presse canadienne

Photo : La Presse canadienne