Oxfam plaide pour un monde plus féministe à Davos

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Cette année encore, Oxfam s’alarme de voir une minorité de gens très fortunés s’enrichir à une vitesse vertigineuse. Et qu’une bonne partie de la richesse de la planète se concentre dans les mains d’une poignée de gens. Ce 1 % le plus riche accapare désormais le double de la richesse accumulée de 6,9 milliards de personnes, déplore l’organisme dans son plus récent rapport dévoilé lundi.

« Si vous aviez mis de côté 10 000 $ par jour depuis l’édification des pyramides, vous auriez cumulé seulement un cinquième de la fortune moyenne des cinq milliardaires les plus riches », peut-on également lire dans le document d’une trentaine de pages intitulé Celles qui comptent.

Pour Oxfam, les inégalités économiques et les inégalités de genre sont intimement liées. Car le système économique « sexiste » dévalorise le travail de soin et les tâches domestiques surtout assumés par des femmes et des filles à travers le monde. Que ce soit s’occuper des enfants, des proches vieillissants, de la cuisine, du ménage ou de la gestion des factures, ce travail « invisible » fait chaque jour rouler l’économie, plaide le rapport. Pourtant, ces milliards d’heures appauvrissent un peu plus chaque jour des millions de femmes en âge de travailler.

À l’échelle du globe, 42 % d’entre elles n’ont pas d’emploi (contre 6 % des hommes) « du fait de leurs responsabilités en matière de travail de soin non rémunéré », est-il écrit. Sans compter leur scolarité qui en pâtit, et les conséquences d’une telle situation sur leur santé mentale et physique.

Oxfam avance que des femmes effectuent chaque jour l’équivalent de 12,5 milliards d’heures de travail de soin non payées. Cela équivaut à une valeur d’au moins 10 800 milliards de dollars chaque année, « soit trois fois la valeur du secteur des technologies à l’échelle mondiale », soutient l’ONG.

« Si demain matin toutes les femmes arrêtaient leur travail domestique, parental ou de soutien aux proches, des piliers entiers de l’économie seraient paralysés », lance en entrevue Denise Byrnes, directrice générale chez Oxfam Québec.

C’est dans les pays à bas revenus (sous-développés ou en voie de développement) que les femmes cumulent le plus d’heures de travail de soin non payées — une moyenne de 14 heures par jour, indique le rapport.

Mais au Québec aussi, des inégalités de genre persistent, insiste Mme Byrnes, citant en exemple la précarité financière de bon nombre de proches aidants. Ou plutôt de proches aidantes, puisque les femmes sont plus nombreuses que les hommes à jouer ce rôle, selon Statistique Canada.

Un nombre appelé à croître d’ailleurs dans les prochaines années, avec le vieillissement de la population. D’où l’importance, reprend Denise Byrnes, d’un filet social fort pour épauler ces femmes, et les autres qui font un travail de soin.

« Grâce aux garderies subventionnées, le Québec a le pourcentage de mères sur le marché du travail le plus élevé en Amérique du Nord. Les CPE se paient eux-mêmes, mais génèrent aussi de la richesse », illustre Mme Byrnes.

Investir dans les services publics est justement l’une des mesures mises en avant par Oxfam pour enrayer les inégalités de genre dans le monde. Pour y parvenir, il faut s’attaquer en priorité à la déréglementation financière, aux systèmes fiscaux partiaux et aux règles facilitant l’évasion fiscale, fait valoir l’ONG.

Oxfam fait le calcul qu’en imposant de 0,5 % plus la fortune du 1 % le plus riche du globe pour les dix prochaines années, cela permettrait de créer quelque 117 millions d’emplois dans « l’éducation, la santé et l’accompagnement » des aînés. Des domaines où les femmes sont majoritaires.

Placé sous le thème cette année d’un « monde plus solidaire et durable », le Forum de Davos se tiendra dans une station de ski des Alpes suisses du 21 au 24 janvier. Quelque 2800 participants y sont attendus, dont Donald Trump et Greta Thunberg.

Source : Le Devoir

photo : Luis Tato Agence France-Presse