Violée, elle obtient enfin dédommagement

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La victime, dont l’identité ne peut être dévoilée, a été violée par deux individus à Québec le 31 octobre 2014. Un de ses agresseurs avait déjà commis des attouchements et des voies de fait sur elle entre le 17 mars 2013 et le jour du viol. La victime avait porté plainte à la police pour ces événements, mais ses dénonciations n’ont abouti à aucune accusation en raison du manque de preuves, apprendra-t-elle plus tard de la bouche de la procureure de la Couronne au dossier.

À la suite de l’agression du 31 octobre 2014, la victime n’a pas jugé utile d’appeler la police. «Comme elle a déjà été victime de voies de fait par le même agresseur, les policiers ne l’auraient pas crue. Ils ne sont jamais intervenus pour elle auparavant», écrit la juge du TAQ, Caroline Gonthier, résumant le témoignage de la plaignante. 

De retour à son domicile, de peur que ses agresseurs la retrouvent, la victime a placé une chaise devant sa porte, s’est lavée et est demeurée au lit pendant quatre jours. «Questionnée sur la raison pour laquelle elle ne s’est pas rendue immédiatement à l’hôpital, elle précise que le personnel hospitalier aurait certainement appelé les policiers. Elle préférait être chez elle en sécurité», peut-on lire dans la décision rendue plus tôt en juin. 

«La requérante affirme avoir vécu un stress énorme. Elle s’est dissociée complètement de la réalité afin de donner une chance au stress de passer», ajoute la juge administrative.

Le 4 novembre 2014, la victime est allée s’enquérir de la suite des plaintes qu’elle avait portées à la police pour les événements antérieurs au viol auprès de la procureure de la Couronne au dossier. 

«Lors de cette rencontre, la requérante dit lui avoir mentionné qu’elle venait d’être agressée par deux individus. […] C’est à ce moment qu’on lui conseille de demander un 810 étant donné le manque de preuves, c’est-à-dire de procéder par mandat de paix devant un juge de paix», rapporte la juge Gonthier.

La victime s’est immédiatement rendue à la Cour municipale de Québec et a signé une déclaration assermentée dans laquelle elle fait état de tous les gestes commis par son agresseur, y compris le viol qu’elle venait de subir. Le 12 novembre 2014, elle s’est présentée devant le juge de paix qui a pris connaissance de sa déclaration, puis a assisté à la comparution de son agresseur deux semaines plus tard. Le juge de paix a conclu à la présence d’un danger réel et rendu une ordonnance empêchant l’homme d’importuner la plaignante. 

«La requérante ajoute que c’est vraiment à partir de ce moment qu’elle a eu la protection de la police et qu’elle s’est sentie en sécurité. À son avis, c’était la bonne démarche à entreprendre», relate la juge Gonthier. 

Quant au second agresseur, la victime a expliqué au Tribunal qu’il avait des problèmes de santé mentale et qu’elle «savait qu’il n’y aurait pas d’accusation». 

Blessée psychologiquement, la victime a tenté d’obtenir des prestations auprès de l’IVAC, sans succès. Pour l’IVAC, en l’absence de consultation médicale et de plainte portée à la police à la suite du viol, aucun élément de preuve ne permettait de corroborer les allégations de la requérante. 

Prépondérance de preuve

Le TAQ ne partage pas cet avis. Dans sa décision, la juge Caroline Gonthier rappelle que la norme de preuve qui s’applique est celle de la prépondérance de preuve et non de la preuve absolue ou hors de tout doute. 

Or, lors de l’audience, la requérante, qui se représentait seule, «a témoigné avec aplomb, d’une façon très posée et structurée». «La requérante ne s’est pas non plus contredite, répondant avec assurance aux questions qui lui étaient posées», ajoute la juge Gonthier, pour qui la déclaration assermentée du 4 novembre 2014 est assimilable à une plainte policière.

«En effet, dans un contexte où cette déclaration solennelle a été faite par la requérante quatre jours après cet événement, que cette dernière était présente lorsque le juge de paix en a pris connaissance et que, par la suite, elle a assisté au prononcé de la sentence, cette dénonciation constituait certes, aux yeux de la requérante, une plainte faite à la suite de l’agression du 31 octobre 2014», estime la juge du TAQ, qui considère «justifiable et compréhensible» l’absence de plainte à la police. 

Du reste, la requérante a fait la démonstration de ses blessures psychologiques, qui sont documentées par la psychologue qui la traite, conclut le TAQ avant d’infirmer la décision de l’IVAC.

Paru sur Le Soleil 

crédits photo: PHOTOTHÈQUE LE SOLEIL