Trois fois plus de cas de violence liée à l’honneur

schafia

Intimidation, contrôle excessif de la part des parents ou d’un frère, violence physique, mariage forcé; le Centre jeunesse de Montréal (CJM) est intervenu auprès de 73 adolescentes à risque depuis l’affaire Shafia.

Mohammad Shafia est un père montréalais originaire de l’Afghanistan qui avait tué ses trois filles en 2009. Il voulait laver l’honneur de sa famille parce que ses adolescentes fréquentaient des garçons.

Depuis ce drame, le nombre de signalements à la DPJ est monté en flèche.

L’honneur à tout prix

«C’est un enjeu majeur pour notre société […] On se rend compte que les repères de certaines familles sont très loin des valeurs québécoises. Certaines personnes sont prêtes à faire n’importe quoi pour restaurer l’honneur de la famille», affirme Suzanne Dessureault, directrice adjointe de la protection de la jeunesse à Montréal.

Cette dernière admet que les intervenants du CJM doivent maintenant intervenir pour des situations «qu’on ne voyait pas auparavant».

«Est-ce que l’augmentation du nombre de cas est réelle ou est-ce qu’on dépiste mieux qu’avant? Probablement un peu des deux», dit Mme Dessureault.

Drame bouleversant

Le Centre jeunesse Batshaw, le pendant anglophone de la DPJ, n’a pu nous indiquer s’il avait connu la même augmentation du nombre de cas, mais a révélé être intervenu en moyenne auprès de 4 adolescentes montréalaises par année depuis 2011.

Le centre Batshaw s’était retrouvé dans la tourmente après des révélations voulant qu’il ait été alerté à deux reprises en 2008 et en 2009 au sujet des filles Shafia, sans toutefois intervenir.

Les trois adolescentes et la première femme de leur père ont été retrouvées mortes noyées dans une voiture au fond de l’écluse de Kingston Mills, en Ontario. Leurs parents et leur frère ont été condamnés à la prison à vie pour meurtres prémédités en 2012. Ils ont demandé à avoir un nouveau procès en mars dernier.

«Nous avons été bouleversés par l’affaire Shafia. Je peux garantir que nous avons tout mis en place depuis pour mieux dépister les situations et protéger les familles», affirme Suzanne Dessureault.

Celle-ci plaide pour une meilleure sensibilisation dans les écoles du Québec. «C’est là que le dépistage se fait en premier. Et il est important d’agir rapidement pour éviter que les situations ne deviennent plus inquiétantes.»

Selon l’ONG Human Rights Watch, les crimes d’honneur sont «des actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d’une famille contre ses membres féminins qui ont apporté le déshonneur sur la famille».

Une femme peut être la cible de violence de la part de membres de sa famille ou de sa communauté pour diverses raisons, comme la fréquentation d’hommes ou le refus de participer à un mariage arrangé.

Une problématique montréalaise ?

Au Centre jeunesse de Laval, on ne recense que deux cas de signalement de violence liée à l’honneur pour les deux dernières années. En Montérégie, on ne signale aucun cas. «Le signalement peut entrer selon différents motifs [abus physique, trouble de comportement, etc.] et serait répertorié sous cette catégorie [dans] nos dossiers», a indiqué la porte-parole Catherine Latendresse.

Voici quelques exemples de cas traités par la DPJ :

♦ Des parents sont inquiets à l’idée que leur fille ait des relations sexuelles avec son chum. Ils demandent à leur fils de suivre sa sœur partout à l’école pour s’assurer qu’elle ne «salisse» pas l’honneur de la famille.

♦ Un signalement de mauvais traitements est retenu à la DPJ. Après investigation, on se rend compte que la violence subie par l’adolescente est liée à l’honneur de la famille et au fait qu’elle ait un petit copain.

♦ Une adolescente est en conflit avec sa famille, car elle refuse de se soumettre à un mariage forcé.

Article paru dans le Journal de Montréal

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