Services psychologiques : thérapies inaccessibles

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Dans un système haletant, la meilleure solution est de façon générale de passer par l’urgence psychiatrique afin d’obtenir de l’aide. L’Ordre des psychologues du Québec réitère que le manque de psychologues dans le réseau public est un problème sous-estimé au Québec.

« Chaque jour, des personnes qui ont été placées sur des listes d’attente du réseau public communiquent avec nous pour savoir où s’adresser pour accéder à des services », déplore Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, par voie de communiqué.

À L’Itinéraire, la demande dépasse l’offre

Jean-François Morin-Roberge, intervenant psychosocial du Groupe L’Itinéraire, n’est pas surpris de l’ampleur de la problématique. « À mon avis, il y a un grand manque de ressources d’aide psychologique, pas nécessairement de psychologues, mais de ressources d’aide psychologique. La demande dépasse l’offre. Mais il ne faut pas oublier aussi tous ceux qui souffrent en silence, qui ne demandent pas d’aide pour des raisons de gêne, de honte, etc. Il y en a qui trouvent que c’est ‘’faible’’ de demander de l’aide. Donc ils préfèrent souffrir en silence… c’est une réalité qui par ailleurs touche beaucoup plus les hommes. »

L’intervenant poursuit : « étant dans une ressource communautaire, qui vient en aide à des gens en difficultés et plus vulnérables, il est certain que nous avons une demande pour ce genre de services. Heureusement, plusieurs de nos camelots sont déjà suivis à l’externe ; donc ils sont déjà dans le système. »

La détresse des personnes sur liste d’attente

Lorsqu’une personne se décide à consulter, c’est parce que la détresse est très importante ou que ses difficultés la rendent dysfonctionnelle. En étant placées sur des listes d’attente, les personnes souffrantes risquent de voir s’aggraver leur problématique, de la voir se complexifier et se chroniciser, entraînant des impacts familiaux, relationnels et professionnels importants. « Il coûte plus cher à l’État de ne pas prioriser le problème et d’en subir les conséquences plutôt que d’offrir un accès adéquat à des services psychologiques », soutient la Dre Grou.

Privé : sortez votre portefeuille

Pour une personne ayant peu de moyens financiers, quelle est la solution ? « Je dirais d’être patient, curieux et d’explorer toutes les possibilités. Sinon je dirais de se faire un budget et d’aller dans le privé. C’est une triste réalité qui touche énormément de monde », dit M. Morin-Roberge.

Il est vrai que, souvent, la seule porte d’entrée à des services psychologiques est le privé, pour ceux qui en ont les moyens ou qui sont assurés. Les psychologues qui pratiquent en bureau privé rapportent aussi qu’ils sont touchés par le manque d’accès aux services dans le réseau public. Plusieurs se retrouvent avec un nombre grandissant de clients vivant avec des problématiques complexes telles que la dépression, les troubles bipolaires, les troubles de la personnalité, voire des troubles psychotiques. Ces personnes ont souvent besoin d’obtenir ou d’ajuster une médication appropriée. Le psychologue ne pouvant pas référer son client directement au psychiatre, il l’invitera à consulter un médecin de famille, souvent encore inaccessible pour la personne vulnérable. « La valse des démarches commence alors pour les psychologues en bureau privé, qui ne sont pas outillés pour faciliter l’accès de leurs clients à l’important volet médical associé aux cas complexes. Ils ont une limite », estime Dre Grou. En moyenne, le coût est de 100 $ pour une session qui dure 50 minutes de façon hebdomadaire.

Obtenir un psychiatre : patientez encore…

« L’attente est encore plus longue pour avoir accès à un psychiatre qu’à un psychologue. Car un psychiatre est une branche spécialisée de la médecine ; donc pour avoir accès à un psychiatre il faut avant voir un médecin omnipraticien-généraliste (un médecin de famille). Déjà, avoir accès à ce genre de médecin est compliqué, alors avoir accès à un médecin spécialisé est encore plus long. De plus dans les deux cas, il y a une nouvelle fois des listes d’attentes car la demande dépasse l’offre. Donc les cas les plus urgents sont traités en premier. L’attente peut être très longue, on peut parler de semaines, de mois… chaque cas est différent », s’inquiète M. Morin-Roberge.

« S’il s’agit de quelque chose de ‘’trop grave’’, je ne serais pas en mesure d’aider la personne de façon appropriée car je ne suis pas un psychologue de formation et je n’ai pas le temps pour faire de gros suivi ; à L’Itinéraire nous ne sommes pas un centre de thérapie. Les centres de crises peuvent être un bon outil oui, mais comme son nom le dit c’est pour un état de crise ; ils ne peuvent pas vraiment faire de suivi à long terme. De plus, souvent ces endroits font de l’aide téléphonique ; ce genre d’intervention ne plaît pas à tous. Il y a des lignes d’écoute comme Tel-Aide, Tel-jeune, Suicide Action Montréal, etc. Si jamais la personne est en situation de crise extrême et ne va pas bien, a des idées noires, etc., je recommande à la personne d’aller à l’urgence psychiatrique de l’hôpital », conclut-il.

Paru sur l’Itinéraire 

crédits photo: Julien Bois