Montréal, le 24 mars 2015. La Ville de Montréal procédera cette semaine au recensement des personnes en situation d’itinérance ou sans domicile fixe. Ce projet réussira sans doute à comptabiliser les itinérants chroniques, celles et ceux qui sont facilement identifiables dans les espaces publics et les ressources. Or, pour les groupes communautaires réunis pour une journée de discussion sur l’itinérance des femmes le 17 mars dernier à l’initiative de la Table des groupes de femmes de Montréal, ce dénombrement occulte une grande partie de la réalité et soulève de nombreuses inquiétudes liées à l’utilisation future des données recueillies.
Ce dénombrement ne parviendra pas à comptabiliser le nombre réel de personnes qui sont à la rue. L’itinérance n’est pas toujours visible. Elle peut être transitoire, épisodique et surtout, cachée. Comment comptabiliser toutes les personnes sans domicile fixe, celles qui ont été expulsées de leur logement, celles qui couchent dans leur voiture, sous un balcon, qui dorment sur le divan d’un ami, ou cohabitent en grand nombre dans un petit appartement, etc. ? Comment prendre en compte les femmes en situation d’itinérance cachée, et qui par le fait même, sont invisibles ? Il faut souligner la limite méthodologique du dénombrement afin de ne pas oublier la réalité de ces personnes qui subissent déjà, socialement, un déni d’existence.
Les groupes sont également inquiets de la potentielle utilisation des données recueillies. À quoi serviront ces chiffres ? Comment seront-ils utilisés ? De nouveaux services seront-ils développés ? Interviendrons-nous désormais uniquement sur ce qui est visible, ce qui dérange dans l’espace public ? Comment le financement sera-t-il octroyé ? Certaines ressources seront-elles fermées sur la base de ces chiffres ? Les groupes de femmes espèrent que la Ville tiendra compte, au-delà des chiffres, des multiples visages, trajectoires et réalités des personnes en situation d’itinérance. De plus, elles insistent sur le fait que, pour toutes actions ou initiatives mises en place sur la base de ces chiffres, la Ville devra prendre le temps de faire une analyse différenciée selon les sexes (ADS), ainsi qu’une analyse intersectionnelle, afin de tenir compte de la spécificité de l’itinérance au féminin.
L’itinérance peut être enrayée s’il y a une réelle volonté politique d’en découdre. Mentionnons que différents types de ressources d’hébergement existent déjà, sont nés du milieu et répondent à des besoins réels : les maisons d’hébergement et les différents centres de jour sont à bout de souffle. Il faut leur accorder un financement adéquat, indexé et récurrent ; à la hauteur du travail réalisé. Nous encourageons vivement la ville de Montréal à faire appel à ses partenaires naturels : notamment les groupes de femmes montréalais, les ressources d’hébergement existantes et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), afin de développer des politiques et services répondant aux besoins de nos concitoyennes et concitoyens sans domicile fixe.