L’absence du fédéral : une « insulte » à la mémoire des femmes autochtones disparues ou assassinées

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Cette importante rencontre, organisée à Happy Valley-Goose Bay, au Labrador, à la veille du Conseil de la fédération à Terre-Neuve, se voulait l’occasion de discuter de la suite à donner au rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Les auteurs du rapport dévoilé en juin dernier s’inquiètent notamment du millier de femmes autochtones assassinées ou disparues au cours des trente dernières années.Selon la Gendarmerie royale du Canada, environ 1200 femmes et filles autochtones ont été tuées ou sont disparues depuis 1980. Alors que ces femmes représentent 4,3% de la population canadienne, elles sont victimes de 16% de tous les meurtres de femmes au pays, et comptent pour 11 pour cent des disparitions de Canadiennes, selon les données de la police.

Le Conseil de la fédération avait réclamé l’été dernier – comme bien d’autres groupes et leaders – une enquête nationale sur le drame des femmes et filles autochtones tuées ou disparues, mais le gouvernement Harper est resté ferme sur son refus. Lors de la table ronde de février dernier, Ottawa a plutôt promis des budgets supplémentaires consacrés à la justice et un programme national – de 25 millions sur cinq ans – pour réduire la violence faite aux femmes autochtones.

Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, n’a pas participé aux rencontres du Conseil de la fédération depuis 2008. La présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, Dawn Lavell Harvard, a indiqué à l’issue de la réunion que des progrès avaient été réalisés, en dépit de ce qu’elle a appelé le «manque de respect du gouvernement fédéral». La violence dont sont victimes les femmes et les filles autochtones constitue, selon elle, une «violation grave des droits de la personne» au Canada, et le gouvernement fédéral aurait dû participer à cette rencontre.

De son côté, le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, s’est réjoui que les provinces prennent au sérieux le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. En effet, les premiers ministres des provinces et territoires appuient les 94 recommandations contenues dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, et ils tenteront de les mettre en oeuvre à leur échelle respective, avec ou sans l’aide d’Ottawa, a prévenu le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Paul Davis.​

Ce dernier a par ailleurs déploré l’absence répétée de Stephen Harper aux réunions annuelles du Conseil de la fédération, une absence qui constitue une occasion ratée de collaboration, selon lui. «Nous croyons tous que le gouvernement fédéral devrait faire preuve de leadership» pour s’assurer que les travaux de la Commission de vérité et réconciliation n’aient pas été une perte de temps, a-t-il dit. Mais «en l’absence du gouvernement fédéral, (les provinces) agiront, plutôt que de laisser le rapport sur les tablettes», a prévenu M. Davis. Ainsi, le Manitoba organisera une deuxième table ronde nationale sur les femmes autochtones assassinées ou disparues au pays, qui fera suite à celle organisée en février dernier à Ottawa.

Les commissaires qualifiaient de «génocide culturel» tout le programme de pensionnats fédéraux que des générations de jeunes Autochtones ont dû fréquenter. On estime à plus de 6000 le nombre de garçons et de fillettes qui sont morts dans ces institutions fédérales tenues par des religieux – soit environ un pensionnaire sur 25. Plusieurs autres ont enduré une enfance misérable d’agressions physiques et sexuelles. M. Bellegarde estime que le Canada doit maintenant combler l’écart immense entre la qualité de vie des Autochtones et des non-Autochtones. «Ce gouffre n’est bon ni pour les Premières Nations, ni pour les provinces ni pour le pays», a-t-il soutenu.

Pour le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, c’est «le développement économique partagé» qui constitue «la véritable solution de fond aux problèmes socio-économiques des communautés» autochtones. M. Couillard a ainsi rappelé l’entente de partenariat signée lundi avec les Cris – mais sans les Innus -, qui règle une poursuite de 13 millions concernant l’exploitation forestière. «Ce qu’on a fait avec les Cris l’autre jour, ce qu’on veut faire avec les Innus, avec d’autres communautés: engager les Autochtones, les Premières Nations dans le développement économique comme partenaires», a-t-il soutenu mercredi au Labrador.

La première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark, a rappelé de son côté que c’est Ottawa qui finance des programmes essentiels sur les réserves comme l’éducation et le développement de la petite enfance.

Pendant que les chefs autochtones et les premiers ministres étaient réunis autour de la table, des membres des Premières Nations manifestaient à l’extérieur, reprochant aux provinces de multiplier les engagements, sans jamais les respecter.

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