Le gouvernement s’est toujours targué d’agir de manière responsable. Or, on a beau couper dans les services – parce que c’est bien ce qui est arrivé –, les besoins de la population, eux, sont rarement compressibles.
Résultat : en éducation, plusieurs écoles se voient désormais forcées de mettre les élèves au travail en organisant des levées de fonds pour palier le manque de financement. Des établissements font face à des crises qui apparaissent comme des conséquences directes du manque de personnel nécessaire pour s’occuper des enfants qui ont des besoins spécialisés.
Devant composer avec des moyens réduits, le personnel du réseau de la santé subit lui aussi de plein fouet les conséquences de ces coupes aveugles. Au début de l’année, des infirmières ont tiré la sonnette d’alarme quant à la lourdeur de leur tâche et aux conséquences de leurs piètres conditions de travail sur leur santé physique et mentale, une situation qui touche d’ailleurs plusieurs autres professionnels de la santé.
C’est au tour de travailleurs et de travailleuses du secteur communautaire d’attirer l’attention sur la précarité de leur condition. Dans une déclaration diffusée mercredi, ils soulignent les effets délétères sur leur santé mentale de la crise financière que traversent les organismes communautaires et qui exercent une pression énorme sur le personnel. Cette situation nuit évidemment à la capacité de ces organismes à remplir adéquatement leur mission.
Malheureusement, le rôle des organismes communautaires est bien souvent méconnu du grand public, et ils sont largement négligés par les gouvernements. Ils assurent pourtant des services à des populations qui, à cause de leur situation financière, leur vulnérabilité ou leur isolement, n’y auraient pas accès autrement. Et comme ces organismes sont en partie financés par des fonds publics, la lutte au déficit s’est aussi faite au détriment de leur financement.
De plus, la préférence du gouvernement libéral pour la philanthropie a eu pour conséquence de détourner le financement public destiné à ces organismes. Une partie de ces fonds transitent désormais par des fondations privées, qui imposent ensuite aux organismes qu’ils financent des exigences qui les empêchent de réaliser leur mission en pleine autonomie. C’est une des conclusions à laquelle est arrivée l’IRIS dans une note publiée le mois dernier.
Dans le dernier budget du Québec, le gouvernement octroie ainsi 22 millions de dollars sur deux ans pour l’Appui pour les proches aidants d’aînés, un organisme à but non lucratif financé en partie par la Fondation Lucie et André Chagnon (FLAC) via la société de gestion Sojecci II (budget 2018-2019, p. C61).
Il accorde aussi un financement supplémentaire de 23 millions de dollars sur quatre ans à la Fondation du Dr Julien, pour une aide totale de 45 millions de dollars entre 2015-2016 et 2022-2023 (budget 2018-2019, p. C.51).
Il procède enfin à un investissement supplémentaire de 45 millions de dollars sur trois ans en partenariat avec la FLAC pour « soutenir la mobilisation régionale et locale pour le développement des jeunes enfants » (budget 2018-2019, p. C.52).
En revanche, l’ensemble des organismes communautaires n’a reçu que 46 millions de dollars pour cinq ans, en plus d’un montant de 35 millions sur cinq ans provenant du budget additionnel du Ministère de la Santé et des Services sociaux (budget, p. C.84). Des sommes que devront se partager les plus de 4000 organismes que compte le Québec. Le milieu communautaire évalue pourtant qu’il aurait besoin annuellement de 475 millions de dollars supplémentaires pour pouvoir accomplir sa mission convenablement.
Les organismes communautaires, où travaillent une majorité de femmes et où s’impliquent des milliers de bénévoles, constituent un maillon primordial de notre filet social : ils aident des immigrants à s’intégrer à la société québécoise, accompagnent des jeunes décrocheurs dans leurs démarches pour retourner à l’école ou sur le marché du travail, soutiennent des familles défavorisées dans l’éducation de leurs enfants, protègent des femmes victimes de violence conjugale, offrent des repas à des personnes en perte d’autonomie, apportent un soutien moral à des aînés sans famille, et bien plus encore.
Vouloir sauver quelques millions de dollars en coupant dans ces services essentiels apparaît ainsi comme un choix budgétaire hautement irresponsable. Il faudrait plutôt reconnaître la contribution de ces organismes à la société, leur apport à la qualité de vie des citoyennes et des citoyens et, par conséquent, leur assurer un soutien financier qui soit à la hauteur de leur précieuse mission.
Billet de blogue de Julia Posca, paru dans le Journal de Montréal
photo : Catherine Bouchard