Les femmes face à Trump – maintenir la pression

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 Il ne pouvait envoyer un signal plus clair aux femmes américaines. La protection de leurs droits sera une bataille de tous les instants.

Signé quatre jours à peine après l’entrée en fonction du nouveau président et deux jours seulement après les marches monstres tenues à travers la planète, ce décret ressemble à un défi lancé au mouvement des femmes, à une mise à l’épreuve de sa détermination.

 Après tout, ce n’est pas d’hier que des manifestations imposantes ne sont pas suivies d’actions concrètes. Par manque d’organisation, de structures, de racines. Le mouvement Occupy a vu son élan s’essouffler pour ces raisons. Les manifestations spontanées en faveur de la démocratie en Égypte ont été récupérées et détournées par les Frères musulmans qui, eux, bénéficiaient d’une organisation rodée et bien implantée, relatait récemment à Ottawa le journaliste Mohamed Fahmy.

 M. Trump est peut-être convaincu que le mouvement des femmes n’arrivera pas à maintenir la cadence. C’est ignorer sa longue histoire, les multiples et solides organisations qui le composent ainsi que les voix qui le soutiennent. C’est aussi oublier que les femmes qui ont mené les batailles passées n’ont pas baissé la garde devant la persistante opposition que soulève encore l’émancipation des femmes chez une partie de la population américaine. Tenir quoi que ce soit pour acquis n’est pas une option.

 Cette dernière campagne présidentielle en a fait la preuve, en plus de nous avoir démontré, encore une fois, qu’hommes et femmes ne sont pas mesurés à la même aune quand il est question de compétence.

 Donald Trump a démarré avec ce qui lui paraissait le plus facile, s’en prendre à des femmes qui ne peuvent se défendre. Ce décret ne pénalise pas les femmes américaines, mais celles qui vivent dans les pays en développement où des programmes en santé reproductive sont financés par les États-Unis. Il sait que cela ne soulèvera pas les foules, mais ce premier recul nous concerne tous. Par solidarité avec les femmes du monde et parce qu’il s’agit d’un sombre présage des autres reculs à venir au sud de la frontière.

 L’érosion des droits commence presque toujours par de petits gestes qui restent sans réponse. Au Canada, il n’y a pas eu de réelle mobilisation quand, moins d’un an après son élection, le gouvernement Harper a commencé à amputer les budgets destinés à quelques groupes de femmes. Le ministre des Finances d’alors, Jim Flaherty, avait invoqué le besoin de faire des économies. Le gouvernement affichait pourtant, en cet automne 2006, un surplus de 13 milliards de dollars. Or c’est aussi l’argument économique qu’a entre autres invoqué M. Trump pour justifier son décret.

 Le contexte canadien étant différent, M. Harper n’a pas voulu courir le risque politique de s’en prendre au libre choix des femmes en matière d’avortement, et ses députés qui s’y sont risqués n’ont jamais réussi. Aux États-Unis, en revanche, la Cour suprême peut infirmer ses décisions. Actuellement, la Cour compte un nombre égal de juges libéraux et conservateurs, mais il y a un poste vacant. Donald Trump a dit qu’il y nommerait un juge opposé à l’arrêt « Roe V. Wade » qui a permis de légaliser l’avortement en 1973.

 M. Trump compte bien quelques femmes dans son entourage, mais il est clair que pour lui, le pouvoir est une affaire de gars. Son cabinet ne compte que quatre femmes. Ce gouvernement américain est ultraconservateur, proche des milieux évangéliques et pro-vie. Il a les programmes sociaux dans sa mire et les femmes seront parmi les premières victimes de ses politiques en la matière.

 Les femmes ne peuvent pas compter sur cette équipe pour faire valoir leurs intérêts et leurs droits. Le mouvement féministe devra donc unir ses forces, mobiliser, investir les lieux de pouvoir. Il ne doit pas laisser la poussière retomber. Pour y arriver, il aura besoin cependant de l’énergie et de l’engagement de toutes les personnes qui ont défilé dans les rues samedi et de toutes les absentes qui les appuyaient. Notre solidarité sera aussi nécessaire, car la montée du conservatisme social chez nos voisins a la fâcheuse habitude de fouetter les forces similaires ici, au pays.

Edito de Manon Cornellier, paru sur le Devoir 

crédits photo : Annik MH de Carufel