Déjeuner des hommes : la violence au menu

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Présenté dans le cadre des 12 jours d’action contre la violence envers les femmes, l’événement organisé par la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes du Québec vise notamment à engager les hommes dans la lutte contre ce type de violence.

La directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), Manon Monastesse, est formelle : « Les hommes hésitent encore à intervenir quand ils sont témoins, dans leur quotidien, de propos sexistes, d’agressions ou de harcèlement. » Or, il faut agir. Heureusement, ils sont de plus en plus nombreux à le faire. C’est ce qui fera en sorte, estime-t-elle, que les victimes parleront plus facilement de ce qu’elles subissent et qu’elles n’auront plus à trouver le « courage » de dénoncer des situations violentes, comme c’est trop souvent le cas.

Plus de 25 ans de travail auprès des femmes victimes de violence n’ont toujours pas permis à Manon Monastesse de comprendre pourquoi certains comportements violents perdurent. « Tant que les hommes ne changeront pas, la lutte contre la violence devra continuer. Tous les hommes, heureusement, ne sont pas violents, mais sans changements fondamentaux, les maisons d’hébergement seront toujours pleines. Elles le sont encore en 2018. Le problème vient des hommes, et la solution doit passer par eux. Ils doivent agir sur leurs perceptions. Changer leurs rapports aux femmes. Être moins contrôlants et plus égalitaires. Surtout, les hommes non violents doivent prendre position et devenir des alliés. Ils doivent dire à leurs pairs : “Ça suffit! C’est assez! C’est terminé!” »

Par les hommes, pour les femmes

Concept adapté des Breakfasts with the Guys de l’Ouest canadien et des États-Unis, le Déjeuner des hommes contre les violences envers les femmes sera animé, encore cette année, par le militant des droits de la personne Will Prosper. Trois étapes sont prévues au programme : des panélistes prononcent une allocution, une période d’échange se tient ensuite entre hommes seulement, puis les femmes (qui, dans une autre pièce, ont entendu tout ce qui s’est dit) se joignent aux discussions.

L’objectif de l’activité est simple : faire parler les hommes – et particulièrement cette année, les jeunes hommes – de violence et du travail collectif à mettre en place pour la prévenir. « C’est en discutant entre eux et en intervenant clairement pour lutter contre les stéréotypes que les hommes peuvent et doivent changer les choses », estime Manon Monastesse.

« Le problème vient des hommes, et la solution doit passer par eux. Ils doivent agir sur leurs perceptions. Changer leurs rapports aux femmes. Être moins contrôlants et plus égalitaires. » — Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes du Québec.

Parmi les nombreux panélistes, elle souhaite ardemment que, cette année encore, le spécialiste des longues remises du club de football les Alouettes de Montréal, Martin Bédard, soit de la partie. Son témoignage, dit-elle, est inspirant. Par définition, un vestiaire d’équipe de football est un temple de la testostérone, et M. Bédard raconte qu’il n’hésite pas à s’y lever pour dire à ses coéquipiers qu’il n’en peut plus d’entendre leurs propos machistes et méprisants à l’égard des femmes.

Une société égalitaire pour toutes et tous

Pour Simon Lapierre, professeur agrégé à l’École de service social de l’Université d’Ottawa, le Déjeuner des hommes est devenu une habitude. Depuis la première édition, il y alimente les réflexions par ses interventions en tant que panéliste.

« [Les hommes] ne sont pas violents naturellement. Ils ont des comportements violents en raison d’une foule de facteurs sociaux, de la façon dont ils sont socialisés, de ce qui est valorisé dans la société et des modèles qui leur sont présentés. Cette violence peut être changée, et ils ont la responsabilité de travailler pour y arriver. » — Simon Lapierre, professeur agrégé à l’École de service social de l’Université d’Ottawa.

Cette année, les discussions se dérouleront sur le thème « Construire une société égalitaire et sans violence : en quoi l’implication des garçons et des hommes alliés fait-elle la différence? ». Selon M. Lapierre, même si ce sont principalement les femmes qui souffrent des violences, les dénoncent et tentent de les prévenir, elles ne peuvent mettre fin seules à cette calamité; les hommes font nécessairement partie de la solution.

Ceux-ci, explique-t-il, « ne sont pas violents naturellement. Ils ont des comportements violents en raison d’une foule de facteurs sociaux, de la façon dont ils sont socialisés, de ce qui est valorisé dans la société et des modèles qui leur sont présentés. Cette violence peut être changée, et ils ont la responsabilité de travailler pour y arriver ».

Quand on regarde uniquement les statistiques, ajoute-t-il, on a l’impression que rien ne s’améliore. Pourtant, depuis quelques années, M. Lapierre fait ce constat : « Les choses changent. La société est moins tolérante à l’égard de la violence. Il faut poursuivre [la mobilisation citoyenne] pour que les vagues de dénonciations publiques continuent de faire en sorte que la violence et le harcèlement ne soient plus acceptables socialement. Cette réprobation collective est un catalyseur qui amène les gouvernements et les institutions à continuer de prendre la situation au sérieux et à donner aux victimes les moyens de mettre fin aux violences, à l’intimidation et au harcèlement. »

Ce ne sera pas la première fois que des jeunes hommes participeront à ce déjeuner. C’est quand même un choix réfléchi que de tenir l’événement dans un cégep. Les garçons de la jeune génération sont déjà des amis, des voisins, des cousins, des « chums ». Ils sont les pères, les conjoints, les employeurs de demain. Ils représentent l’espoir et le changement. C’est avec eux que la société égalitaire et sans violence tant souhaitée pourra devenir réalité.

Une signature contre la violence

Les hommes qui souhaitent témoigner concrètement leur engagement contre la violence faite aux femmes peuvent signer un manifeste sur le site de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes du Québec.

Source : La Gazette des femmes