Arrêt Jordan: le PQ souligne l’urgence d’utiliser la clause dérogatoire

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Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, et la porte-parole du PQ en matière de justice, Véronique Hivon, ont fait une conférence de presse dimanche après-midi, entourés de groupe de défense de femmes violentées et de victimes, pour souligner l’urgence de la situation, qui commence à avoir des impacts tangibles dans la province depuis que l’arrêt a été rendu, en juillet.

Jeudi dernier, Sivaloganathan Thanabalasingam a été libéré et ne subira pas son procès pour le meurtre de sa femme Anuja Baskaran puisque 56 mois se sont écoulés depuis son arrestation sans qu’il ait eu accès à un procès. C’est près du double du plafond fixé par le plus haut tribunal du pays dans l’arrêt Jordan, qui limite les interminables délais de cour.

De plus, en date du 6 avril dernier, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) disait avoir reçu 805 demandes pour un arrêt de procédure, dont 485 en matière criminelle.

L’article 33 de la Charte des droits et libertés prévoit que le Parlement et une province peuvent se soustraire à certains de ses articles. La clause dérogatoire peut être d’une durée maximale de cinq ans, mais elle est renouvelable au besoin.

Samedi, le premier ministre Philippe Couillard s’est montré très réfractaire cette idée qui selon lui représente « l’équivalent de l’arme nucléaire en matière constitutionnelle ».

Le chef péquiste croit toutefois que M. Couillard a « dramatisé » le recours à la clause dérogatoire. M. Lisée estime qu’il ne suffit pas d’attendre que le gouvernement fédéral nomme d’autres juges comme l’a réclamé le premier ministre samedi.

« Selon les avocats de la défense qui veulent invoquer cet arrêt-là pour libérer leurs clients, ça importe peu qu’il y ait beaucoup ou moins de juges. Eux, ils considèrent que les délais sont passés, qu’ils sont déjà excessifs », a déclaré M. Lisée.

« Si on nous avait écoutés en novembre et en décembre dernier quand on disait qu’il fallait l’envisager de l’utiliser, cet accusé [Sivaloganathan Thanabalasingam] ne serait pas relâché », a-t-il ajouté.

Samedi, la Coalition avenir Québec (CAQ) a appelé le gouvernement à tenir une rencontre d’urgence entre les ministres de la Justice au Canada, mais selon Véronique Hivon, plusieurs réunions du genre ont eu lieu, sans succès.

« Il y en a eu plusieurs de ces rencontres-là qui à ce jour n’ont rien donné comme action concertée, alors il faut passer à l’autre étape », a-t-elle soutenu.

Le Bloc québécois blâme le gouvernement fédéral

Le député québécois de Rivière-du-Nord, Rhéal Fortin, a pour sa part appelé le gouvernement fédéral à se «réveiller» et à «procéder sans plus attendre à l’embauche de juges à la Cour supérieure du Québec».

«Le gouvernement du Québec a embauché 18 nouveaux juges pour les cours sous sa juridiction mais Ottawa lambine. Les groupes de femmes sont inquiètes et, malgré l’insistance de la ministre de la Justice du Québec qui a communiqué à de nombreuses reprises avec son homologue fédérale, rien n’est fait», a déploré M. Fortin par voie de communiqué.

«Faudra-t-il attendre qu’une tragédie – qu’on peut éviter – arrive avant qu’Ottawa se réveille? C’est dangereux et irresponsable», a-t-il conclu.

La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, s’est défendue en rappelant que le gouvernement Trudeau avait «effectué trois nominations au Québec depuis le début de son mandat». Elle a ajouté, dans un courriel transmis à La Presse canadienne, que les comités consultatifs à la magistrature (CCM) n’ont été reconstitués qu’en janvier dernier et qu’une première nomination a été annoncée le 24 mars (Benoît Moore, qui remplace Hélène Langlois, devenue juge surnuméraire depuis mai 2016).

Mme Wilson-Raybould dit espérer pourvoir d’autres postes vacants sous peu, mais ne précise pas de date.

Elle a aussi annoncé que les ministres de la Justice du fédéral, des provinces et des territoires se rencontreront au plus tard ce mois-ci pour «discuter des effets de l’arrêt Jordan et des réponses possibles à la question des délais au sein du système de justice».

Selon la ministre, il n’existe pas de «solution unique» à ce problème.

«Il faut opérer un changement de culture au sein du système de justice pénale. Nous savons qu’il est important de traiter des répercussions de l’arrêt Jordan», a-t-elle souligné.

Le Québec n’est pas le seul à se plaindre au gouvernement fédéral de la lenteur des nominations. En février dernier, le procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi, avait écrit à la ministre Wilson-Raybould, pour lui demander notamment de pouvoir les postes vacants la Cour supérieure.

Mme Wilson-Raybould a annoncé la nomination de deux nouveaux juges en Ontario, vendredi.

Paru sur La Presse

crédits photo: ROBERT SKINNER, LA PRESSE

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