L’intervention des services de protection de la jeunesse en contexte de violence conjugale

Mémoire de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes présenté dans le cadre de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse : Une volonté de faire pour nos enfants

L’exposition à la violence conjugale et aux différentes formes de violence envers les femmes est une problématique qui a des conséquences importantes sur la sécurité et le développement des enfants. Depuis 2006, c’est d’ailleurs un motif de compromission qui est inclus dans la loi sur la protection de la jeunesse.

La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) et ses maisons membres, par l’entremise de ce mémoire, souhaitent porter à l’attention de la Commission certaines problématiques vécues par les mères en contexte de violence lors de leur expérience au sein de la protection de la jeunesse. De prime abord, certaines lacunes sont constatées sur le terrain en ce qui concerne l’identification des situations de violence conjugale, particulièrement en l’absence de violence physique. Le contrôle coercitif en particulier est l’un des angles morts de la protection de la jeunesse, malgré les conséquences négatives sur le bien-être qu’il engendre dans la vie des enfants. La violence post-séparation semble aussi poser problème, étant le plus souvent apparentée au conflit de séparation, évacuant ainsi toute notion de domination et de contrôle du père sur la famille.

Dans un contexte plus global, iIl importe de se rappeler que la plupart des femmes violentées vivent des relations impliquant du contrôle coercitif. L’on pense, par exemple, aux femmes se trouvant dans des situations de violence basée sur l’honneur, de traite, d’exploitation sexuelle, d’agressions sexuelles par un propriétaire menaçant d’évincer la femme et ses enfants, etc. Toutes ces femmes vivent dans un contexte de contrôle et font face aux mêmes conséquences que les femmes victimes de violence conjugale. Leur vécu de violence doit être pris en compte lors de signalements afin de les soutenir adéquatement et d’ainsi assurer la sécurité et le développement des enfants. Pensons aussi au vécu particulier des femmes autochtones, des femmes immigrantes ou des femmes en situation d’handicap qui doivent composer avec différents systèmes d’oppression.

Les intervenantes de notre réseau de même que les femmes qui ont accepté de nous raconter leurs histoires déplorent une tendance à responsabiliser les mères pour la violence subie et à les blâmer pour avoir échoué à protéger leurs enfants. Les mères affirment que l’accent est mis sur leurs déficits plutôt que sur leurs forces. De plus, elles craignent les accusations d’aliénation parentale, qui surviennent généralement quand elles insistent pour que soit reconnue la violence dont elles sont victimes ou lorsque les enfants eux-mêmes verbalisent des craintes par rapport au père. Plutôt que de croire les enfants, la tendance est à accuser la mère de contaminer leurs témoignages.  Il semble difficile de considérer la violence du père comme influençant sa parentalité, le stéréotype du « mauvais conjoint, bon père » étant encore persistant dans la culture de la protection de la jeunesse.

L’ensemble de ces problématiques ont une multitude d’impacts les enfants et sur leurs mères qui viennent s’ajouter aux conséquences de la situation de violence. Il est difficile d’en prendre conscience si la problématique n’est pas correctement identifiée dès le départ. Les partenariats avec les maisons membres de notre réseau s’en trouve aussi entachés,  ces dernières ayant l’impression que leur expertise n’est pas prise en considération.

Bien que de nombreux facteurs soulèvent l’inquiétude, il demeure que des pistes de solutions existent, pouvant grandement améliorer l’offre globale de service dans les situations de violence conjugale.