Animé par le documentariste Will Prosper, l’événement donnait la parole aux chercheurs Simon Lapierre, Patrick Ladouceur et à l’acteur et auteur Émile Proulx-Cloutier. Une trentaine de jeunes hommes étaient présents pour leur poser des questions et leur adresser des commentaires.
L’idée de la FMHF est de réunir des hommes alors que se conclut, le 6 décembre, date anniversaire de la tragédie de Polytechnique, la campagne des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes. Un seul chiffre, fourni par Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme présente à l’événement, justifie de s’adresser particulièrement aux jeunes hommes : 82 % des victimes de violence conjugale sont des femmes de 18 à 29 ans. Parce que ce drame les concerne au premier chef, ce sont les femmes qui se mobilisent pour toute action en la matière.
Or, comme le dit la présidente de la FMHF, Manon Monastesse, la majorité des hommes ne sont pas agresseurs, sauf qu’on ne les entend pas, et cette situation doit changer.
DE #MOIAUSSI À XOXO
À ce déjeuner, les hommes présents ont bien compris que le mouvement #moiaussi a apporté de nouveaux éléments, parmi lesquels l’obligation, désormais mieux explicitée par les nombreux témoignages et le mouvement féministe, de « perdre » du pouvoir : l’idée du disempowerment est de se défaire de privilèges attribués par la socialisation masculine et dont on ne se rend pas compte ; l’idée centrale aussi de transformer la culture du viol en culture du « consentement ».
Parmi les participants, un jeune homme du Mouvement action-chômage a ajouté que la pauvreté rétrécissait la liberté des femmes, notamment de celles qui subissent de la violence ; un peu plus tard, un ex-policier a dénoncé les contenus sexistes et grossiers mis de l’avant par certains médias, comme l’émission XOXO qui, disait-il, est consternante de clichés et de violence.
Ce que disaient ces hommes, c’est que tout pousse les jeunes hommes et les jeunes femmes à reproduire des caricatures, des clichés, et que cela est immensément dommageable.
LE SILENCE DES INSTITUTIONS
Pour la première fois lors de cet événement, un groupe de jeunes femmes a écouté les débats dans une salle attenante et est venu les commenter à la fin la discussion. Elles ont dénoncé le silence autour de la violence sexuelle et conjugale, se demandant par exemple si les institutions suivaient bel et bien la cadence des dénonciations depuis un an.
Car un assourdissant silence persiste. Sur le plan politique, la directrice de la FMHF, Sylvie Bourque, interrogée lors ce Déjeuner des hommes, s’est dite étonnée de constater que les partis ne se prononcent pas explicitement sur le sujet. Elle attend notamment de Québec solidaire, qui se dit féministe, plus de leadership et de gestes concrets.
AGIR À LA SOURCE
En effet, pourquoi la persistance de cette violence ne sème-t-elle pas la consternation ? Est-ce parce que, quelque part, on tolère la situation ? Pardon de cette comparaison un peu boiteuse, mais si on s’est empressé de signer le Pacte pour la transition plus de 200 000 fois en quelques jours, on ne démontre pas le même enthousiasme pour dénoncer les violences sexuelles.
On dirait qu’on s’y résigne. Si on croyait vraiment que les violences familiale, conjugale et sexuelle étaient inacceptables, on agirait à la source.
Par exemple, on mettrait sur pied des programmes d’accès rapide à la psychothérapie, car des années sur des listes d’attente, ce n’est pas ça, la prévention. Et bien sûr, les institutions se doteraient de politiques claires et les imposeraient sans tarder.
ÉDUQUER À L’ÉGALITÉ
On a aussi expliqué, pendant cette matinée, le « continuum » de la violence, une théorie contestée dans les années 90, alors que le gouvernement fédéral avait mené une large consultation sur le sujet (Un nouvel horizon : éliminer la violence, atteindre l’égalité, 1993). On expliquait alors que les climats de travail et de vie dans lesquels on laissait se développer une culture sexiste créaient un terreau favorable à la violence verbale et discriminatoire envers les femmes. Et que cette tolérance pouvait mener à des gestes graves.
L’initiative du Déjeuner des hommes est donc prometteuse, car ceux qui s’impliquent nagent à contre-courant. La FHMF souhaite que cette formule se propage dans d’autres établissements scolaires et franchement, ce serait une excellente idée.
Chronique de Pascale Navarro parue dans La Presse