Billet de Nicolas Lacroix.
La semaine qui s’achève a été généreuse en sources de colère.
À mes yeux la plus révoltante est celle-ci : un homme merdique a (probablement) décimé sa famille. Il faut rester au conditionnel puisqu’aucune accusation n’a été déposée au moment d’écrire ces lignes. Tout porte cependant à croire qu’un autre crétin égocentrique a eu le culot de penser que la vie d’autrui lui appartenait.
Ce faisant, il en aura brisé des centaines. Si nos craintes se confirment, Ugo Fredette aura détruit la vie de sa famille immédiate, de sa famille étendue (et peut-être aussi celle de la famille Lacasse). Il aura également affecté la vie de milliers de femmes qui vont encore davantage craindre de s’affranchir d’un conjoint qu’elles n’aiment plus.
Vrai, on ne connaît pas encore toutes les circonstances du drame de la famille Fredette-Barbe. Savez-vous quoi? Je m’en calique comme de l’an 40. Rien, rien, rien ne peut justifier, expliquer, adoucir, tempérer ce qui s’est passé cette semaine.
La société en a « échappé » un autre. Un autre Turcotte. Un autre Boily.
Un autre Pratte-Lops.
Un autre Aubin.
Un autre Courtois.
Un autre Ramsurrun.
Un autre Langlois-Laroche.
Si un groupe religieux faisait autant de victimes québécoises, il y aurait des manifs dans les rues chaque semaine. “L’ex radical”, déjà bien implanté au pays. “Les pitbulls amoureux”. “La violence intégrale”. “Misogynie systémique”. Appelez ça comme vous voulez pour en faire un keyword vendeur, utile pour bien alimenter les lignes ouvertes et les chroniqueurs.
Le voilà le fléau qui devrait nous terrifier. C’est contre ça qu’il faudrait s’unir: les 18 000 plaintes pour violences conjugales par année au Québec. Et les dizaines de milliers d’autres victimes qui ne se plaignent jamais, trop terrifiées.
Il n’y a pas de solution facile, je le sais trop bien. Il y a cependant un pattern clair qu’il faut briser. On devrait collectivement en avoir ras le bol de ces manchettes.
Mais non. On va en jaser pendant quelques jours et passer à autre chose, comme chaque fois. Jusqu’au prochain meurtre-enlèvement, au prochain meurtre-suicide. Et là, on trouvera donc ça triste.
Ça ne suffit plus.
Le Plan d’action ministériel pour la santé et le bien-être des hommes est une pièce du puzzle.
Il ne remplacera jamais une personne à l’affût qui reconnaît des signes troublants chez un ami, un frère, un collègue. Il faut s’ouvrir, il faut parler, il faut assumer nos peines et nos colères. Il faut se regarder dans les yeux et être sincère et sans jugement quand on demande : « Hey, buddy, ça va? ».
Et reconnaître que non, ça ne va pas. Le Québec ne faisait pratiquement qu’un hier dans son espoir de retrouver Louka. Si on ne faisait qu’un pour prévenir le prochain?
Paru sur le Journal de Québec
photo tirée de Facebook