La journée internationale des hommes

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Hier, c’était la Journée internationale des femmes. Et aujourd’hui, j’aimerais parler des hommes. Les hommes dont c’est tous les jours la journée internationale.

J’aimerais qu’on se parle.

J’aimerais qu’on se parle du fait que ça ne suffit pas de célébrer les femmes dans notre vie, ou de souhaiter un monde dans lequel les femmes pourront prendre leur juste place. Le 8 mars n’est pas la Journée des femmes comme un dimanche de mai dans l’année est la Fête des mères.

C’est la journée de l’année où l’on doit prendre le temps de se rappeler que l’immense majorité des femmes dans le monde sont moins privilégiées que les hommes. Comme dans “c’est la journée de l’année où, en tant qu’hommes, on a une réflexion à faire sur les privilèges indus et systématiques dont nous jouissons”.

Un temps pour se rappeler que ce n’est pas aux femmes de se battre pour prendre la place qui leur revient, mais à chacun d’entre nous, de faire un effort conscient pour ne pas occuper toute la place. Si le féminisme est vu par beaucoup comme un combat, ce n’est pas parce que la grande majorité des féministes voient les hommes comme un ennemi à abattre, mais bien parce que de nombreuses femmes ont dû, littéralement, se battre pour revendiquer le droit de ne pas être traitées comme des citoyennes de secondes classes.

EN TANT QU’HOMME, JE NE POURRAIS JAMAIS SAVOIR CE QUE C’EST D’ÊTRE UNE FEMME ET DE VIVRE LES INJUSTICES SYSTÉMIQUES.

Rappelons-nous qu’il n’y a même pas cent ans, elles n’étaient tout simplement pas considérées comme citoyennes. Pas considérées citoyennes comme dans: tu n’as pas le droit de voter. Et qu’il y a à peine 50 ans, elles ne jouissaient pas d’une reconnaissance juridique complète. Pas juridiquement reconnue comme dans: tu n’as pas le droit d’avoir un compte en banque et tu n’as pas la liberté légale d’exercer la profession de ton choix.

En tant qu’homme, je ne pourrais jamais savoir ce que c’est, concrètement, que d’être une femme et de vivre les injustices systémiques et pernicieuses qu’elles subissent au quotidien à travers les attentes incohérentes de la société envers elles.

Mais je peux m’efforcer d’être conscient des privilèges dont je jouis en tant qu’homme.

Ils sont nombreux, importants et scientifiquement démontrables. Je ne les énumérais pas. La liste est longue. Mais je nous invite à faire l’effort sincère de dresser notre liste personnelle.

Tout de suite.

Là, maintenant. Essayer d’en sortir plus que 10 en moins d’une minute…

PRENDRE CONSCIENCE DE SES PRIVILÈGES, C’EST LA PREMIÈRE ÉTAPE.

L’effort particulier que cet exercice représente résume la somme de nos privilèges: nous n’avons pas à être conscients de nos privilèges. Lorsqu’une personne née dans la rue se retrouve au sommet des échelons sociaux, elle est consciente de ces privilèges. Lorsqu’une personne a vécu la guerre civile et vit aujourd’hui dans un havre de paix, elle est consciente de ce privilège.

Les privilèges acquis au cours d’une vie nous rendent bien souvent humbles et surtout conscients de leur existence. Alors que les privilèges dont nous jouissons en tant qu’hommes nous sont automatiquement attribués à la naissance. Et ça marche aussi pour notre couleur de peau, et le privilège d’être blanc. Et notre patrimoine familial, et le privilège d’en hériter.

Prendre conscience de ses privilèges, c’est le début d’un monde où nous pouvons faire l’effort volontaire de cesser de les exercer quand c’est possible, et du moins, cesser de les perpétuer.

ENSUITE, IL FAUT FAIRE EN SORTE QUE D’AUTRES PERSONNES PUISSENT JOUIR DE CES PRIVILÈGES.

Si nous prétendons vraiment être des alliés dans la cause des femmes et des minorités, alors nous devons être en mesure de conclure que la seule manière d’exercer nos privilèges de manière constructive, c’est de les redistribuer. Pas qu’on nous les retire par la force, mais bien de s’en départir volontairement. Faire en sorte que d’autres que nous puissent jouir de ces privilèges.

De la même manière que la richesse collective et l’équilibre économique d’un groupe passent par une juste répartition des richesses par la classe dominante de ce groupe, une juste répartition des privilèges est nécessaire à l’équilibre social et à la richesse collective de ce groupe. Contrairement à l’impôt, cependant, le choix est purement individuel. C’est un choix que nous pouvons faire chaque jour.

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES NE DOIT PLUS ÊTRE QU’UNE CÉLÉBRATION DES FEMMES DANS NOTRE VIE.

Un choix que je peux faire en faisant l’effort mental de reconnaître les biais cognitifs qui m’ont été transmis culturellement (et si je suis honnête et malgré mes meilleures intentions, je dois reconnaître que j’en ai) envers les femmes et les minorités et de discriminer positivement et proportionnellement à leur égard pour équilibrer la balance. Ne pas discriminer positivement en faveur des groupes sous-privilégiés, c’est nier la discrimination négative dont ils font l’objet.

Ça peut prendre un million de formes, et je compte sur notre créativité respective pour le faire. Mais la Journée internationale des femmes ne peut plus, ne doit plus, n’être qu’une célébration des femmes dans notre vie.

Ça ne fait pas avancer le débat. Ça ne nous coûte rien.

PRENONS CONSCIENCE DE NOS PRIVILÈGES, ET COMMENÇONS À PARTAGER ET REDISTRIBUER CEUX-CI.

Il n’y a aucun transfert de privilèges, aucune prise de conscience face à notre part de responsabilité dans le problème auquel elles font face. Si le 1% des gens les plus riches sur terre tenait le discours que nous tenons face aux femmes, et célébraient les pauvres dans leur entourage, “ces pauvres sans lesquels ils ne seraient la personne qu’ils sont aujourd’hui”, on serait bien conscient de l’incongruité du message. Toute personne un minimum consciente de la réalité économique actuelle comprend très bien que ce n’est pas en travaillant dur qu’on devient automatiquement riche.

Certaines personnes riches comprennent très bien que leur richesse est attribuable à leurs efforts, mais aussi beaucoup à un système qui les favorise et sont heureuses de redistribuer une partie de leur richesse à la communauté, voire aux gens moins privilégiés qu’eux. Prenons conscience que nous sommes riches en privilèges, et commençons à partager et redistribuer ceux-ci.

Être l’allié des femmes et des minorités, c’est accepter l’idée qu’on fasse partie du problème. Ce n’est pas nécessairement notre faute, à nous, individuellement. Et l’objectif d’un tel énoncé est bien plus de provoquer une responsabilisation que de jeter un blâme. Mais nous ne sommes certainement pas des victimes non plus.

PS:

En parlant de fêtes des mères.

La Fête des pères est formellement célébrée depuis le Moyen-Âge. La Fête des mères est formellement célébrée depuis le début des années 1900 à l’initiative de l’Union Fraternelle des Pères de Famille Méritants d’un petit village de France.

Ça ne s’invente pas.

Texte de Édouard Reinach paru sur Urbania 

Visuel : Christine Roy