Montréal, le 19 juin 2018 – Hier, lundi 18 juin, plusieurs organismes ont rencontré la Ministre responsable de la Condition féminine, Madame Hélène David. Leur point commun ? Tous travaillent avec des femmes systématiquement marginalisées dans notre société.
Généralement oubliés des consultations publiques, souvent en situation de grande précarité financière, plusieurs de ces organismes rencontraient la Ministre pour la première fois hier. C’était aussi dans bien des cas la première fois que Mme David entendait parler de certaines situations inacceptables comme la quasi-absence de services de soutien et d’accueil d’urgence pour les femmes autochtones dans l’ouest de la ville de Montréal.
Le constat commun était clair : il reste énormément de travail à faire pour garantir non seulement l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi l’égalité entre les femmes ! Les femmes les plus marginalisées dans notre société devraient être au coeur de l’action publique et pour cela il faut commencer par au moins deux changements majeurs :
- un financement stable et récurrent pour les organismes qui travaillent avec les femmes marginalisées
- une évaluation systématique des impacts de chaque politique à partir de plusieurs facteurs, tels que le sexe, le genre, la race, la situation de handicap, l’orientation sexuelle, pour ne nommer que quelques facteurs.
Le manque de financement a des conséquences réelles sur les femmes marginalisées
Viviane Michèle de Femmes autochtones du Québec (FAQ) a rappelé tout le travail effectué par FAQ lors du Forum des Premières Nations sur les agressions sexuelles : un plan d’action majeur a été adopté, contenant des recommandations. Il est plus que temps d’agir pour briser le cercle vicieux des violences. Or cela ne pourra se faire sans un financement récurrent et suffisant pour mener à bien des projets de long terme, qui rejoignent les communautés éloignées. C’est pénible pour les organismes d’être toujours en situation de quémander du financement au lieu de se concentrer sur le travail réalisé au quotidien !
Toujours sur l’enjeu crucial du financement, Guerda Amazan de la Maison d’Haïti a expliqué qu’elle avait été obligée de mettre fin à un programme sur la santé mentale des femmes racisées—enjeu invisibilisé mais pourtant essentiel—par manque de financement ! Elle a par la suite invité la Ministre à développer un volet femme à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2025), regrettant le silence complet du gouvernement provincial sur cette occasion unique de défendre et promouvoir les droits des personnes afrodescendantes.
Jessica Quijano du Native Women’s Shelter of Montreal a elle aussi montré les conséquences d’un financement insuffisant et précaire : elle est la seule travailleuse de rue de l’Ouest de la ville de Montréal travaillant à réduire le nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées, dont les femmes trans et les personnes bispirituelles, et à soutenir les familles des femmes disparues.
La gentrification autour du Square Cabot a pourtant accru la criminalisation et les violences, déjà énormes, à leur égard. La Ministre a reconnu qu’il est inadmissible qu’il n’existe actuellement aucun lieu d’accueil, ouvert 24h, tenu par un organisme autochtone, et sans jugement, seul à même d’assurer une réelle prévention.
Des femmes plus vulnérables aux violences
Hanane Khales du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (Dawn) est revenu sur le rapport sur la victimisation avec violence chez les femmes en situation de handicap sorti cette année. Les chiffres sont alarmants : ces femmes sont près de deux fois plus susceptibles que les femmes sans handicap d’être victimes d’une agression sexuelle. Khales a repris ensuite une revendication de longue date des groupes présents et de nombreux organismes féministes : xes intersectionnelle (ADS+) afin d’évaluer les impacts de chaque politique à partir de plusieurs facteurs (sexe, genre, race, situation de handicap, etc.).
AGIR, Action LGBTQ avec immigrant.e.s et réfugié.e.s, a dénoncé le fait que les personnes trans migrantes n’ont toujours pas le droit au Québec d’avoir des papiers d’identité correspondants à leur genre. Cette situation unique au Canada, a des impacts terribles sur les conditions de vie des femmes trans migrantes, fuyant souvent la discrimination et la violence, pour se retrouver à nouveau coincées dans un imbroglio juridique et politique leur imposant à nouveau discriminations et violences.
Enfin, Dolores Chew de Femmes de diverses origines (FDO) un collectif de groupes de femmes, a dénoncé le projet de loi 62, devenu la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes. Cette loi fait partie de l’arsenal des attaques racistes et islamophobes dans le contexte général de montée de l’extrême-droite et de « l’alt-right ». Les partis politiques—quels qu’ils soient—utilisent le racisme comme diversion aux politiques d’austérité et au creusement des inégalités.
Nous regrettons toutes que le Comité des femmes sans statut de Montréal n’ait finalement pas pu se joindre à la rencontre, mais Mme David souhaiterait les rencontrer dans une autre rencontre en automne, pour la sensibiliser sur l’importance d’une réelle ville sanctuaire et d’un statut pour tous et toutes. Le Comité des 12 jours d’action souhaite avoir la chance de rencontrer la ministre à nouveau, pour continuer de lui expliquer la situation des femmes marginalisées au Québec, ainsi que la situation des organismes qui leur viennent en aide.
Qui est le comité des 12 jours?
Le Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes , coordonné par la Fédération des femmes du Québec, a organisé la rencontre avec Mme David le 18 juin. Cela a été possible grâce à une subvention spéciale de Mme David et nous l’en remercions chaleureusement. Rencontrer les organismes sur le terrain—et les plus marginalisés d’entre eux —doit devenir une nouvelle norme. Nous remercions aussi le Y des femmes de Montréal qui accueillait généreusement la rencontre.
Le Comité des 12 jours contre les violences envers les femmes est composé cette année de la Fédération des femmes du Québec, d’Action des femmes handicapées (Montréal), du Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, du Conseil Québécois LGBT, de DAWN /Réseau d’action des femmes handicapées du Canada, de Femmes Autochtones du Québec, de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, de la Fondation Filles d’action, de la Fondation Paroles de femmes, de La Voix des femmes, de la Maison d’Haïti, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, du RQCALACS et du Y des femmes de Montréal. La Campagne du Comité des 12 jours d’action contre les violences envers les femmes est réalisée grâce au soutien du Secrétariat à la Condition féminine.