Les femmes sont-elles victimes de leurs choix?

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Autrement dit, est-ce que les femmes ne font que subir les conséquences de leurs choix? 

L’IRIS a publié hier une note socioéconomique dans laquelle cette hypothèse est soumise aux données québécoises. S’il est vrai que les femmes gagnent moins parce qu’elles font des choix moins payants, on devrait voir l’écart salarial se résorber, voire même disparaître, lorsqu’elles suivent des trajectoires similaires. Ce n’est malheureusement pas le cas…

En 1997, le salaire hebdomadaire médian des femmes en proportion de celui des hommes était de 72 % au Québec. L’an dernier, il se situait à 79 %. C’est donc dire qu’encore en 2016, au Québec, les femmes gagnaient 79 sous pour chaque dollar gagné par les hommes. Comment peut-on expliquer cela?

La discrimination directe —par exemple, une entreprise qui affiche publiquement un salaire d’entrée plus faible pour les femmes— ne s’observe plus. Son absence ne veut par contre pas nécessairement dire que le salaire plus faible des femmes n’est que le produit de leurs préférences différenciées relatives au marché du travail. En présence de discrimination d’ordre systémique, la démonstration est toutefois beaucoup plus ardue.

Dans cette note, nous comparons les salaires que gagnent les femmes à ceux que touchent les hommes qui font les mêmes choix.

Tout d’abord, nous regardons les différences en termes de temps de travail. On sait que les femmes travaillent en moyenne moins d’heures que les hommes, que ce soit à temps plein ou par leur plus grande présence dans les emplois à temps partiel. Afin de faire une comparaison qui écarte les potentiels biais engendrés par ces différences au plan de l’horaire, nous comparons les salaires horaires médians. Pour 2016, le salaire horaire médian des femmes était 89 % de celui des hommes.

Ensuite, nous calculons les écarts salariaux selon les choix éducationnels et les emplois occupés sur le marché du travail. On voit entre autres que, pour presque tous les domaines d’études, les femmes gagnent un salaire hebdomadaire moyen plus faible que les hommes. Les écarts les plus sévères sont d’ailleurs observés dans les domaines d’études qui mènent aux salaires les plus élevés, comme le droit et les sciences de la santé, où les femmes gagnent respectivement 77 % et 82 % du salaire hebdomadaire des hommes.

Sur le marché du travail, peu importe le secteur, le niveau de compétence exigé, la durée de l’emploi et la taille de l’entreprise, les salaires des hommes sont systématiquement plus élevés. De cette façon, nous observons que même lorsque les femmes suivent des trajectoires similaires sur le marché du travail, elles touchent un salaire plus faible.

De plus, ces inégalités salariales ne représentent pas le même fardeau pour toutes les femmes. En effet, l’appartenance à un groupe racisé se traduit par un écart de revenus par rapport aux autres femmes. Avec des taux d’activité similaires, et donc une même proportion d’individus qui cherchent ou occupent un emploi, on observe que les femmes racisées présentent un taux de chômage de près du double de celui des femmes qui n’appartiennent pas à un groupe racisé. Ainsi, avec une volonté de travailler similaire, il semble être beaucoup plus difficile pour ces femmes de trouver du boulot. Ce résultat est conséquent avec ceux de certaines études qui révèlent une discrimination à l’embauche envers les personnes issues de minorités visibles.

À ces inégalités sur le marché du travail s’ajoute la charge supplémentaire que représente le travail non rémunéré (tâches domestiques, soin des proches, etc.), encore majoritairement pris en charge par les femmes. Il représente en soit un obstacle à la poursuite de trajectoires similaires. Ainsi, les femmes sont doublement désavantagées : d’une part, par la réception d’un salaire plus faible pour leur travail rémunéré et par la nécessité, d’autre part, de passer plus de temps à effectuer du travail non rémunéré.

Le salaire plus faible des femmes ne peut donc pas se résumer à une simple question de choix. Elles subissent des pressions systémiques qui peuvent, par exemple, les pousser à choisir un travail leur permettant d’accomplir la portion plus grande de travail non rémunéré qui leur incombe. Ignorer ces pressions revient à balayer le problème sous le tapis et à responsabiliser uniquement les femmes pour ces écarts. Ainsi, on laisse le système opérer subtilement des discriminations sur le marché du travail et au sein des ménages au détriment des femmes…

Mais qui sont les réels coupables? Est-ce possible d’en trouver? Nous voyons qu’on ne peut tout mettre sur le dos des femmes, et c’est un premier pas vers la compréhension du problème. Une chose est certaine, il faut faire place à davantage de politiques familiales libérant les femmes des responsabilités qui leur tombent traditionnellement sur le dos afin qu’elles puissent bénéficier des mêmes occasions sur le marché du travail.

Paru sur IRIS.qc.ca 

Billet de Marie-Pier Brouillette