Exploitation sexuelle – Réinvestir pour aller au-delà de la crise

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Alors que la disparition de plusieurs adolescentes de centres jeunesse ramène sur la place publique le phénomène de l’exploitation sexuelle des jeunes filles, la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé, a dénoncé dimanche le fait qu’il y a, selon elle, de moins en moins de programmes et d’argent pour lutter contre ce fléau. L’élue montréalaise a indiqué que le programme en question, avec son enveloppe budgétaire de 1,4 million, finançait plusieurs organismes afin qu’ils élaborent des projets pour prévenir l’exploitation sexuelle. Or, déplore-t-elle, ces organismes se sont fait annoncer récemment la fin de leur financement.

 De fait, L’Anonyme, organisme communautaire qui s’attelle depuis plus de 25 ans à promouvoir les relations saines, a vu le financement de son projet Orbite supprimé l’été dernier. Annuellement, dit-il, plus de 2500 jeunes de Montréal ont reçu des ateliers en prévention de l’exploitation sexuelle. De son côté, l’organisme Stella qui travaille auprès des travailleuses du sexe s’est fait dire que son financement ne serait pas renouvelé au 31 mars prochain.

 Projets avortés, interventions de terrain suspendues et employés mis à pied sont quelques-unes des conséquences de la suppression de ce programme. Plus encore, ces compressions budgétaires compliquent grandement le travail de prévention et d’intervention, soutient Manon Massé. « C’est un milieu où il est primordial d’établir des liens de confiance pour pouvoir intervenir efficacement, explique-t-elle. Sans financement, ces organismes n’ont plus les moyens d’avoir des intervenants professionnels sur le terrain à temps plein et, sans ces professionnels, ça devient très difficile d’entrer en contact avec les jeunes à risque. »

 Courage politique

 Pour la députée solidaire, les récentes sorties dans les médias des ministres libéraux ne sont que de « la poudre aux yeux ». « S’il est vraiment sérieux, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, va arrêter de patiner et il va remettre de l’argent dès maintenant pour faire en sorte que la coupure de service soit la moins longue possible, a indiqué Manon Massé en entrevue avec Le Devoir. Parce qu’en ce moment, ce gouvernement fait preuve de négligence, encore plus lorsqu’on sait qu’on avait un programme efficace. L’austérité libérale ne doit pas mettre en danger nos adolescentes. »

 « Le développement d’une société, ça ne se fait pas toujours avec des colonnes de chiffres, ce n’est pas toujours un choix économique, a-t-elle ajouté avec aplomb. C’est un choix politique. Ça prend du courage politique ! »

 Travailler en amont

 Pour les organismes communautaires, la crise des centres jeunesse, bien que fortement médiatisée, n’est que la partie visible de l’iceberg. « Ça va plus loin que les fugues, plus loin que le proxénétisme, soutient la directrice générale de L’Anonyme, Sylvie Boivin. Ça commence dans les écoles la prévention, avec un programme d’éducation sexuelle adéquat. »

 « Notre objectif est de dépasser la violence et de travailler en amont, ajoute-t-elle. Si on fournit aux jeunes assez d’outils, les risques sont considérablement réduits, et ce, même s’ils se retrouvent en situation d’extrême vulnérabilité. »

 Même son de cloche du côté de Sandra Wesley, la directrice générale de l’organisme Stella, qui déplore ce désinvestissement de la part du gouvernement. « La jeunesse a des besoins constants. En coupant le financement, on leur barre des portes, alors qu’il faudrait travailler à jeter des ponts. »

Article paru dans Le Devoir

Crédits photo: Martin Dimitrov Getty Images