Abus sexuels : Le silence est complice.

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Comme une nécessaire piqure de rappel, comme un vaccin à notre situation d’êtres humains. Comme une indispensable prise de conscience. Les hommes se doivent d’être féministes ou au moins de tenter de le devenir pour que cette ignominie cesse enfin.

Alors que les échéances politiques approchent et qu’aucune proposition n’apparaît au grand jour dans les intentions politiques des candidats à l’élection présidentielle, la classe politique française est au premier rang des coupables de cet honteux phénomène de société. Oui coupable ! Par le comportement de certains de ses représentants, dénoncés dans le MachoScope de Médiapart, par les organisations féministes et les ouvrages de témoignages publiés ces dernières années.

Oui coupable, par la faiblesse de ses propositions législatives. Oui coupable par le silence et par la place laissée aux femmes dans la représentation politique, dans l’entreprise ou aux postes de pouvoirs. L’éducation en la matière est également si pauvre, que notre société a intégré, cette dégénérescence dans le comportement quotidien de chacun. Ici ou là, dans les médias, dans les commentaires, ou dans les comptes rendus judiciaires, on parle de blagues de vestiaires, de gestes déplacés ou de dragouille qui aurait mal tournée. On minimise donc, par des mots édulcorant lorsqu’il faudrait dénoncer sans relâche !

Notre époque ne vaut pas mieux que le moyen âge durant lequel s’imposait la loi Salique. Une femme meure sous les coups de son conjoint tous les trois jours dans ce pays. Une femme sur cinq subirait le harcèlement sexuel, ou l’agression sur son lieu de travail. 100% des femmes utilisant les transports en commun ont subi au moins une fois cet inacceptable harcèlement. Et que ces chiffres soient vérifiés ou non, n’a pas d’importance, car un seul cas serait déjà de trop. C’est écœurant  et digne des sociétés les plus arriérées.

Devant ces constats, pas un homme, ou presque, si peu finalement, pour dénoncer ce qui reste un problème d’homme. Nous (les hommes) sommes des animaux abjects, lorsque se déroule en permanence cette ignominie et que nous restons silencieux. Nous sommes des lâches lorsque pères, maris, conjoints, frères, cousins, collègues de travail ou simple passants nous acceptons pour plaisanterie la moindre blague salasse, le fameux geste déplacé ou le regard dégueulasse. Nous sommes des monstres lorsque fils de nos mères nous restons sans réaction, aveugles, sourds et muets face à ces comportements déviants.

J’ai honte d’appartenir à cette condition masculine minable qui laisse balayer d’un revers de main, d’un rire gras et poisseux, ou d’un haussement d’épaule ces plaintes et ces souffrances que notre condition d’homme fait subir à notre partenaire d’espèce : la femme, sans laquelle aucune vie, aucune éducation n’est possible. Aucun mot n’existe pour décrire correctement tout cela. Aucune excuse n’est possible face à cette obsession sexuelle qui autorise toutes ces lâchetés et cette violence faite aux femmes.

Comment une civilisation peut elle encore accepter cette condition ? Comment est-il possible que ce pays des droits de l’homme – qu’il nous faut traduire en droits humains-, ne soit pas capable de se doter ou faire appliquer un dispositif judiciaire efficace et sans aucune tolérance face à ce fléau ?  Pour quelles raisons sur ce cas précis, la femme doit systématiquement prouver ce qu’elle subit ? Les harceleurs, les violeurs, les agresseurs devraient être dénoncé au grand jour et mis à l’index de la société. Leur sale gueule visible dans l’espace public. Sont-ils malades, sont-ils pervers, sont-ils bourreaux, sont-ils criminels ? Oui, ils sont tout cela à la fois ! Ils sont également pervers, calculateurs et méprisables. Ce sont des salopards qui méritent d’être traité comme des criminels dans un système judiciaire qui aujourd’hui, pourtant, possède tout l’arsenal répressif nécessaire. A la lecture de ce billet, certains voudrons comparer ce crime à d’autres. La comparaison n’existe pas ! Un crime est un crime pour ce qu’il est et doit être jugé comme tel. Rien n’est à expliquer. Rien n’est à justifier. Rien n’est à comparer. Que la loi soit donc appliquée normalement ! Il suffit d’une grâce présidentielle sur un fait divers pour que la magistrature crie au scandale. Qu’a t-elle fait cette institution pour palier cette crise société ? Il suffit de regarder le documentaire pour s’en convaincre.

Or, le silence est terrible, la maladie a perverti les consciences. Le mal n’est pas sondé et comme pour la corruption, se sont les lanceurs d’alerte qui prennent le risque d’être montré du doigt et raillés. L’indéfendable est défendu par le silence, le déni et le manque de courage ! Pire ce sont les victimes qui doivent prouver leur bonne foi ou subir en silence. La réparation est quasiment impossible. C’est inacceptable !

Résultat, la séduction, le désir, le plaisir délicieux que procure cette relation que tissent les femmes et les hommes normaux, pour l’ultime finalité que chaque être humain recherche, c’est à dire l’amour ! Cet amour est abimé et devient encadré par le soupçon, le jugement ou la méfiance. Les regards ne se croisent plus dans l’espace public. On devient amoureux sur internet, la drague est mal vue. Les hommes honnêtes n’osent plus le simple compliment sans craindre la réprobation. La peur, surtout celle vécue par les femmes, cette peur s’est emparée de nos consciences tordues. Oui messieurs, ce sont les femmes qui éduquent les hommes et il ne faut pas en avoir peur. Si nous empêchons ou encadrons cette éducation nous devenons les monstres que cette carence aura généré. Notre société encore et toujours patriarcale doit céder sa juste place à la femme matrice de notre humanité afin de partager la conscience de notre existence. Il faut arrêter ce massacre !

Paru sur Médiapart.fr

Billet d’Olivier Perriraz, Directeur de l’Epicerie culturelle, Lyon