Ce deuxième dénombrement montréalais s’inscrit dans le cadre du plan d’action en itinérance de la Ville de Montréal, du Plan d’action intersectoriel en itinérance de la région de Montréal 2015-2020 et de la réalisation d’un deuxième portrait sur l’itinérance au Québec.
Contexte
Le dénombrement de 2015 avait été mandaté et financé par la Ville de Montréal. Le dénombrement de 2018 s’est inscrit dans un contexte beaucoup plus large. Tout d’abord, il faisait partie d’un dénombrement réalisé simultanément dans 11 régions du Québec, sous la coordination du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Ensuite, ce premier dénombrement à l’échelle de la province s’inscrivait lui-même dans le deuxième portrait de l’itinérance au Québec, en voie de réalisation par le MSSS, et en constituant le premier volet. Finalement, le dénombrement dans 11 régions du Québec s’est réalisé dans le cadre d’une entente convenue entre les gouvernements du Québec et du Canada, en lien avec la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI).
Objectifs
Le dénombrement visait deux objectifs principaux :
- Estimer le nombre de personnes en situation d’itinérance visible sur l’île de Montréal au cours de la nuit du 24 au 25 avril 2018;
- Décrire le profil des personnes en situation d’itinérance visible ou cachée, eu égard à certaines caractéristiques sociodémographiques, à leur historique d’itinérance, à leur utilisation récente de services et à leurs perceptions en matière de besoins de services.
Itinérance visible et itinérance cachée : deux définitions
- Une personne est considérée comme étant en situation d’itinérance visible si elle n’a pas de domicile fixe et se trouve sans abris au moment du dénombrement, dans un lieu non conçu pour l’habitation humaine ( exemple : voiture), dans une ressource d’hébergement d’urgence, dans un refuge pour femmes, dans une ressource transitoire ou de façon temporaire dans un centre de thérapie, un centre de réadaptation en dépendance, un centre de crise, un centre hospitalier ou en détention.
- Une personne ets décrite comme étant en situation d’itinérance cachée si elle est hébergée temporairement chez d’autres ou dans un hôtel ou motel, sans avoir de domicile fixe; ou si elle demeure dans une maison de chambre.
Le rapport complet Je compte MTL 2018 est disponible en ligne
Réactions des allié.e.s ?
Réseau solidarité Itinérance du Québec :
» Rappelons que le dénombrement, s’est déroulé dans de la seule soirée du 24 avril 2018. Il ne s’est réalisé qu’en visitant certains lieux publics et ressources fréquentés par les personnes en situation d’itinérance. Or, mentionnons qu’une partie importante des personnes en situation d’itinérance adoptent des stratégies qui font en sorte qu’elles deviennent invisibles lors d’une telle démarche. Le RSIQ rappelle que le dénombrement ne constitue que la pointe visible de l’Iceberg et appelle à relativiser les chiffres. »
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) :
« À l’occasion du dévoilement des résultats du 2e dénombrement des personnes en situation d’itinérance à Montréal, le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) tient à rappeler les nombreuses limites de cet indicateur qui occulte les réalités moins visibles de l’itinérance.
(…)
De nombreuses personnes vivent de l’itinérance cachée à Montréal, c’est-à-dire qu’elles sont logées dans un lieu inadéquat qui n’offre aucune sécurité d’occupation (en «couchsurfing», dans un logement insalubre ou surpeuplé, une chambre de motel, une voiture, chez un client, etc.).
En négligeant de prendre en compte les réalités de ce large segment de la population itinérante, les données dévoilées aujourd’hui ne fournissent qu’une vue partielle de l’ampleur du phénomène.
Les femmes sont parmi les plus susceptibles d’échapper à l’exercice d’un dénombrement, alors qu’elles sont bien souvent en situation d’itinérance invisible. En 2015, seulement 25 % des personnes itinérantes comptées étaient des femmes. Le deuxième dénombrement de l’itinérance parvient lui aussi à des résultats similaires. Il s’agit d’une sérieuse sous-estimation, comme l’indiquent plusieurs autres indicateurs fiables. Statistiques Canada, dans une étude sur l’itinérance cachée, révélait par exemple en 2016 que les femmes étaient presque aussi nombreuses à avoir vécu une telle situation que les hommes. »
Pour lire le communiqué entier du RAPSIM
Avis de la FMHF ?
La FMHF se joint à l’analyse des partenaires et rappelle l’importance d’analyser avce justesse l’itinérance des femmes – une itinérance cachée, complexe – et trop souvent sous-estimée par les chiffres tels que produits actuellement.
» L’itinérance cachée réfère quant à elle aux femmes qui, pour ne pas être dans la rue, persistent à demeurer dans des milieux où elles sont exposées à des conflits familiaux et à de la violence, et qui n’ont pas d’autres endroits où se réfugier. Cette définition inclut également les femmes qui vivent dans une « pauvreté attribuable au logement », c’est à dire qui consacrent au logement une proportion si importante de leur revenu qu’elles ne peuvent plus combler leurs autres besoins essentiels, celles qui risquent d’être expulsées de leur logement sans avoir les moyens de se reloger, et enfin, celles qui vivent dans des édifices illégaux ou non sécuritaires physiquement ou encore dans des logements surpeuplés (Novac, 2002, RAIIQ et RGF03, 2008 ). Lorsqu’on parle de femmes en situation d’itinérance, on ne peut donc s’arrêter à la seule expérience de la rue même si des femmes vivent des épisodes d’itinérance visible comme en fait foi l’étude menée par Gélineau à Québec (RAIIQ et RGF03, 2008). Comme l’auteure le mentionne elle-même : « Souvent les femmes à la rue ne se retrouvent pas dans la rue » (RAIIQ et RGF03, 2008 : 20).
Pour prendre la pleine mesure de l’ampleur et de la complexité de l’itinérance chez les femmes, une politique sociale sur l’itinérance devrait adopter une analyse différenciée selon le sexe de même qu’une définition du phénomène qui inclut à la fois l’itinérance cachée et visible vécue par celles-ci, plutôt que de prendre appui sur le seul fait de pas avoir de domicile fixe et d’aboutir dans la rue. «
Le mémoire de la FMHF : Pour une politique en itinérance tenant compte des multiples visages de l’itinérance au féminin, est disponible en ligne
À lire également
Chronique de Judith Lussier, parue dans le Journal Métro le 28 mars 2019 : « Les invisibles ».
On y retrouve la réaction de Mélanie Walsh, directrice de l’Auberge Madeleine : «Il y a d’autres moyens de mesurer l’itinérance, par exemple en analysant nos taux de refus, explique Mélanie Walsh. Ici, à l’Auberge, nos mois les plus occupés sont août, octobre et mars. On voit donc que l’itinérance au féminin n’a aucun rapport avec la météo. Chez les femmes, les facteurs sociaux comme la violence ont plus d’impact.» L’an passé, l’Auberge Madeleine a dû refuser 6 359 demandes d’hébergement faute de place.