Montréal, le 29 avril 2016. Une délégation duGroupe des organisations opposées à l’assujettissement de tous les OSBL à la loi sur le lobbyisme demande à la ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques, Rita Lc de Santis, de retirer le projet de loi 56. Le 22 avril, la délégation lui a présenté les effets démocratiques néfastes, et hautement prévisibles, de l’assimilation de tous les OSBL à des lobbyistes, comme le propose le projet de loi. La délégation a invité la ministre à constater la force du consensus, qui ne pourra qu’être au cœur du rapport que le Commissaire au lobbyisme du Québec déposera bientôt.
« Il n’y a qu’à lire quelques-uns des mémoires reçus par le Commissaire pour constater l’ampleur et la gravité des menaces qui planent sur les 61 000 OSBL du Québec, sur leurs membres et sur la population en général, a déclaré Audrey-Anne Trudel, de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Le Commissaire ne peut plus agir comme s’il n’était pas au courant et il en ira de même pour la ministre. Nous espérons qu’elle saisira cette occasion pour retirer le projet de loi 56, car il menace à ce point la survie des OSBL que des amendements ne le modifieraient qu’en surface.»
Le Commissaire s’est engagé à « recenser les difficultés exposées » par les OSBL. Il dispose maintenant de nombreux exemples des conséquences : freins évidents à la participation citoyenne, restrictions majeures à la liberté d’expression et au droit d’association. « La population recevra un message très négatif si la ministre maintient le projet de loi 56, malgré cette documentation, de dire Mercédez Roberge, de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles. Il est grand temps d’arrêter de chercher à assimiler tous les OSBL à des lobbyistes. La confiance de la population envers le gouvernement est liée au retrait pur et simple du projet de loi 56, pour que la voix de la population, à travers ses propres organisations, soit prise en compte, maintenant et à l’avenir.»
Soulignons que c’est la troisième fois que les OSBL s’opposent massivement à pareille proposition : elle a été rejetée dans 80 % des mémoires déposés à la Commission des finances publiques en 2008 et dans 94 % de ceux déposés en 2012 devant la Commission des institutions. Rappelons que la source de cette insistance réside dans les pressions de l’Association des lobbyistes du Québec.
« L’assujettissement de tous les OSBL à la Loi n’est justifié par aucun scandale, ni aucune urgence, rappelle Isabelle Poyau du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement. Nous invitons la ministre à se concentrer sur ce qui améliorerait vraiment la transparence des décisions lorsque des intérêts lucratifs et commerciaux sont en jeu. C’est ce secteur qui a besoin de la surveillance d’une Loi, pas les OSBL dont la mission vise l’intérêt collectif et qui agissent déjà en toute transparence. »
« La ministre a semblé aussi préoccupée que les groupes par les problèmes démocratiques qu’engendre le projet de loi, souligne Sylvie Lévesque, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Des OSBL cesseront de communiquer avec les titulaires de charges publiques, car ils ne pourront plus réaliser des activités de représentation avec les personnes qui fréquentent les organismes, ni convaincre des membres d’assumer des responsabilités au sein de leur conseil d’administration. Cela entraînera un grave déséquilibre démocratique; des décisions pour la collectivité se prendront dorénavant sans tenir compte de la voix des organisations citoyennes. Plus largement, c’est l’avancement de nombreux enjeux de société qui est mis en péril.»
« Ce déséquilibre serait encore plus frappant si, comme le prévoit le projet de loi 56 de son prédécesseur, la Loi excluait de sa surveillance des pans entiers des services publics, d’ajouter Jacques Benoit, de la Coalition solidarité santé. Comment la ministre pourrait-elle justifier à la population qu’un OSBL, défendant le droit à la santé devant son député, serait vu comme un lobbyiste, alors que ce ne serait pas le cas d’une compagnie vendant ses services ou du matériel à une commission scolaire ou à un CIUSS ? »
« À l’approche de l’arrêt des travaux parlementaires, pour la période estivale, nous espérons que la ministre prendra le temps nécessaire afin de tenir compte de l’avis des principaux intéressés, les OSBL, et qu’elle procédera à partir de meilleures bases, ce qui ne peut que mener au retrait du projet de loi 56. La ministre a de nombreux autres dossiers à traiter, ne serait-ce qu’à l’égard des scandales révélés par la Commission Charbonneau, ce qui nous laisse croire qu’elle n’agira pas dans la précipitation », de dire Marie Josèphe Pigeon, du Service d’Entraide Passerelle.
La ministre a prêté une oreille attentive aux arguments de la délégation, ce qui est de bon augure pour la protection des enjeux démocratiques liés à ce dossier.
Rappelons que le projet de loi 56 a pour visée principale d’assujettir tous les OSBL à la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme. Le projet de loi a été déposé en avril 2015, par le prédécesseur de la ministre de Santis, monsieur Jean-Marc Fournier. Le processus parlementaire a été interrompu par ce dernier en novembre 2015 pour demander une étude au Commissaire. Le 7 mars 2016 le Commissaire a conclu une consultation privée lors de laquelle il a reçu plus de 100 documents et entendus 55 OSBL, dans le cadre d’une vingtaine d’auditions. Le rapport du Commissaire sera rendu public à son dépôt à l’Assemblée nationale, attendu pour la mi-mai.